Bruit de brosse derrière le canapé fatigué. Des draps à la propreté douteuse sèchent. La Bonne – Corinne Mariotto magnifiquement méconnaissable – fagotée, rougeaude, clope et cheveux gras, traîne ses étranges Converse bleues. Mais chaque détail est un indice. Elle fourre d’autres draps maculés de rouge dans la machine à laver crasseuse, qui tourne vraiment. Cycle de lavage, rinçage, essorage, cycle de blanchiment, pour pièce cyclique, récursive, sordide.
L’Élève – Margot Marquès, très juste dans l’évolution de son personnage – a certainement une jupe trop courte. Rien à craindre : le Professeur est un Professeur, et puis c’est un brave gars, timide, poli, bien propre, sauf, tiens ! une petite saleté sur son verre de montre. Comme ces grands pontes, ces gens haut placés, ou ces types sympas que personne ne signale. La Bonne met en garde mais reste complice, prostrée dans sa cuisine, le nez dans son mauvais ragoût.
Francis Azéma fait subtilement monter l’horreur, qui s’insinue subrepticement dans l’absurde. Car Ionesco a sous-titré La Leçon « drame comique » : comme l’Élève, le spectateur est manipulé, emmené sur le faux terrain du rire. Mais on ne rira plus du tout. Car la fin qui n’en est pas une, malgré, ici, un petit excès de gore et quelques coupures de texte, nous dit qu’il ne faut plus rester derrière nos rideaux de plastique opaque. Sinon la machine continuera ses cycles de lavage.
Théâtre du Pavé, 22 septembre 2019
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.