Myriam Leroy publie Les yeux rouges chez Seuil. Roman glaçant mais très réussi sur le harcèlement numérique.
Après son premier roman, Ariane, très remarqué et finaliste du Goncourt du premier roman, Myriam Leroy présente Les yeux rouges qui tient tout autant en haleine et confirme l’intérêt de l’auteur pour les sujets sociétaux, les rapports de dominants/dominés, sujets certes sombres mais sertis d’une plume à la fois mordante et poétique.
Il ne s’agissait que d’une simple invitation sur Facebook. Un simple clic qui se transformera en guerre numérique. Tout cela, la narratrice ne le sait pas au moment où Denis la contacte. Denis apprécie son travail de journaliste alors il se croit légitime de lui en faire part via messagerie, après quoi, il fait des commentaires sur ses apparitions publiques et, de fil en aiguille, des critiques se glissent dans les messages. Denis la menace, comme il se prénomme lui-même dans son blog, se croit autorisé de tout : critiquer, avilir, salir. La narratrice se retrouve prisonnière d’un piège qui se referme sur elle. Et la toile se déchaîne, flot d’insultes, de critiques toutes plus violentes les unes que les autres. Un petit réseau se met en place, en toute impunité, pour déverser leurs insultes sur la journaliste qui ne sait plus quoi faire. D’abord ignorer, ne rien faire, ensuite en parler autour d’elle. On dit, ce n’est rien, laisse tomber.
Seule contre tous
La violence derrière un écran est-elle moins considérée qu’une violence physique ? Il semblerait que oui au vue des réactions d’indifférence grandissante dont doit faire face la narratrice. Son mal-être augmente d’autant plus et avec lui, l’inquiétude, l’agacement, la fatigue et enfin le ras-le bol. Faire intervenir la justice ? Déclarer la guerre à des individus invisibles qui se cachent sous de faux pseudos ?
Myriam Leroy relate le récit d’un combat solitaire face à une horde d’internautes sans scrupules. Un sujet hélas d’actualité qui remet en question le rôle et le contenu de certains espaces publics sur internet. Une violence connue de tous mais trop souvent impunie ou pire qui ne suscite qu’un haussement d’épaule. Ce texte est essentiel pour questionner l’absolue nécessité d’une protection face à ces harceleurs anonymes ou le bashing est devenu monnaie courante afin de salir une personne ou de briser une réputation.
Ecrit à la troisième personne, nous devenons l’œil de la narratrice qui parcourt l’écran d’ordinateur et nous découvrons effarés ce qui se dit d’elle, ce qu’elle reçoit comme invectives et menaces. Le style très brut retranscrit le langage propre aux réseaux sociaux et nous immerge d’emblée dans cette histoire hautement contemporaine, grinçante et finalement qui dit beaucoup de nos sociétés constamment connectées.
Sylvie V.
Myriam Leroy, Les yeux écarlates, Seuil, 192 p.
Photo : Myriam Leroy © Astrid Di Crollalanza