Quasi una sinfonia romantica
Ce concert a débuté plus énergiquement que les précédents, sans préparation progressive. Le quatuor avec piano n° 2 de Fauré est une œuvre au début énergique quasi brahmsien avec les cordes jouant le thème de concert et avec feu, sur une base pianistique très énergique. Véritablement galvanisés par le jeu et la personnalité flamboyante de la violoniste Diana Tishchenko, ses collègues ont vite été au diapason. Le jeu d‘Eric Le Sage a retrouvé le souffle pianistique nécessaire. Il a pris les choses à bras le corps et a vraiment été moteur dans le quatuor. Mais ce sont les deux cordes graves qui se sont surtout révélées. Joaquin Riquelme Garcia à l’alto a su s’exprimer avec générosité dans des sonorités chaudes et des phrasés étirés très expressifs. Il faut dire que Fauré a réservé à l’alto un rôle très important car il énonce souvent le thème.
Au violoncelle Aurélien Pascal a su se mettre au niveau et a révélé sa capacité à chanter avec passion et à interagir finement avec ses collègues; il est nécessaire à présent que ce jeune artiste croit en lui et expérimente son pouvoir de séduction musical, qu’il ose s’exprimer davantage s’éloignant de sa trop grande recherche de maîtrise polie. Comme dans un grand souffle post romantique ce quatuor a vogué avec noblesse, énergie et passion. Cette très belle œuvre de la maturité de Fauré a trouvé à Salon des interprètes à la hauteur des enjeux. Le public a applaudi très vivement, pris par cette passion flamboyante.
Après un tel sommet de qualité musicale le choix de la sérénade en do mineur de Mozart en Octuor à vents s‘est révélée particulièrement judicieuse. Cette sérénade dépasse bien de plus anciennes par une qualité d’écriture soignée et revendiquée par Mozart lui même. Le soin dans la composition, le choix de la tonalité de do mineur, la complexe écriture contrapuntique et en canon du final, font de cette pièce un moment d’anthologie, de récréation pour fins musiciens. Nos acolytes si soudés ont offert une interprétation idéale de ce chef d’oeuvre. Ils ont semblé déguster à chaque instant cette extraordinaire qualité d’écriture du Mozart de la maturité.
Après l’entracte la découverte des qualités du trio de Louise Farenc a été un enchantement. A nouveau c’est la surprise de découvrir un compositeur de grande valeur qui est une femme et qui pour cette raison n’est pas passée à la postérité alors que de son vivant elle a tout offert à la musique. Le Trio est plein de mélodies qui coulent avec ravissement dans un respect des canons d’écriture de l’époque, entre Mendelssohn et Gounod, sachant richement utiliser l’harmonie. Et l’association clarinette, violoncelle et piano est très réussie. Seul Paul Meyer a su s’autoriser du brillant alors qu’Aurelien Pascal a repris un jeu trop prudent, tout comme Florian Noack au piano, n’osant pas s’exprimer, alors que la partition entre opéra, virtuosité instrumentale et romance le réclamait. Tout change dans la petite symphonie de Gounod dans laquelle nous retrouvons l’octuor de vents et Emmanuel Pahud à la flûte. Très séducteur, le flûtiste sans utiliser sa sonorité la plus maîtrisée et soignée, mais toujours très présent, a su avec aplomb faire apprécier toutes les interventions de la flûte, qui apportaient lumière et fraîcheur dans l’écriture assez compacte de Gounod. Sans cet esprit ludique d’Emmanuel Pahud, le sérieux aurait trop pris le dessus. Car cette symphonie de vents a de grandes qualités d’écriture et sonne magnifiquement, réservant à la flûte la lumière et l’air planant. Pour terminer ce grand concert, en terme de niveau d’inspiration, la forte présence des 9 musiciens a été vivement récompensée par un public enthousiaste qui a failli obtenir un bis avec ses applaudissements si nourris.
COMPTE-RENDU, concert. Salon de Provence, Château de l’Empéri , le 31 Juillet 2019. Gabriel Fauré (1845-1924) : Quatuor n°2 en sol mineur Op.45 ; Wolfgang Amadeus Mozart ( 1756-1791) : Sérénade pour octuor à vents n°12 en do mineur KV. 388 ; Louise Farenc (1804-1875) : Trio pour piano n°1 Op.33 ; Charles Gounod (1818-1893) : Petite symphonie. Diana Tishchenko, violon ; Joaquin Riquelme Garcia, alto ; Aurelien Pascal, violoncelle ; Eric Le Sage, piano ; Emmanuel Pahud, flûte ; François Meyer, Gabriel Pidoux, hautbois ; Paul Meyer, Carlos Ferreira, clarinettes ; Gilbert Audin, Marie Boicharde, bassons ; David Guerrier, Benoit de Barsony, cors ; Florian Noack, piano.