Sur grand écran, le jeudi 16 mai au CGR BLAGNAC est donnée la retransmission du ballet Cendrillon sur une musique de Serge Prokofiev et une chorégraphie éblouissante de Rudolf Noureev.
Le ballet est en trois actes. Personne n’ignore qu’il repose sur le conte de Charles Perrault. La belle histoire de l’enfant mal-aimé et de son petit soulier était connue du monde entier. Dans la mémoire de Prokofiev, la vieille grand-mère avait repris sa place au coin du feu et le musicien se laissait à nouveau capturer par les sortilèges de l’enfance. Nous sommes à l’été 1943, après la bataille de Stalingrad. Le sujet de Cendrillon étant arrêté, Nikolaj Dmitrievič Volkov en réalise un livret sur lequel, le musicien va écrire une musique à laquelle il refuse toute complication. Aucun procédé outrancier cher à ses œuvres composées auparavant. À ce titre, il vient d’achever par exemple la Sonate n°7 pour piano ! Il n’oublie pas que cette musique de ballet est destinée à un public populaire, dont les enfants évidemment. « Une musique qui danse avant d’être dansée. » a-t-on écrit. Quelques cinquante numéros doivent s’y succéder. La première représentation de Cendrillon aura lieu au Bolchoï de Moscou le 21 novembre 1945, donc après la fin de la guerre. Prokofiev tirera de sa musique trois Suites symphoniques.
Grand ballet classique, mise à l’épreuve redoutable pour les danseurs, la production présentée à l’Opéra Bastille courant décembre 2018 fait parader les étoiles dans des partitions férocement acrobatiques, nous disent les spécialistes. Signature de Noureev : exigence d’une haute rigueur académique dans une élégance de style. Rudolf Noureev a donc réalisé la chorégraphie et a aussi réglé l’adaptation et la mise en scène. Les décors sont de Petrika Ionesco et les costumes d’Hanae Mori sans oublier les lumières de Guido Levi.
Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet vont livrer un rude combat tout au long des 150 minutes avec deux entractes indispensables. Ce sont de véritables examens de passage, en particulier pour les nouvelles recrues qui affrontent des prises de rôle où toute facilité est bannie par le Dieu chorégraphe.
Entre virtuosité et jeu d’acteur, car il faut impérativement les deux, les gradés doivent défendre leur barreau à chaque prestation, la concurrence pouvant se révéler impitoyable. C’est ce qui attend Valentine Colasante, Danseuse Étoile qui danse Cendrillon, et Karl Paquette, Danseur Étoile, l’Acteur-vedette, de même que les deux sœurs, “chipies“ de luxe, Dorothée Gilbert, Danseuse Étoile et Ludmila Pagliero, Danseuse Étoile. La Mère, marâtre, mais pas Thénardier, tout de même, c’est Aurélien Houette, Sujet. On complète la distribution avec deux Premier danseur pour les rôles du Producteur et du Professeur de danse, Alessio Carbone et Paul Marque. La direction du spectacle est assurée par Vello Pähn et les musiciens sont ceux de l’Orchestre Pasdeloup.
La chorégraphie date de 1986. Noureev a déplacé le conte de Perrault dans les couloirs du 7ème Art avec un producteur de films comme bonne fée et une star du grand écran comme prince charmant. Il a décidé aussi de confier le rôle de la Mère à un homme en chausson de pointes avec sa dose d’agressivité. Les chipies sont méchantes à souhait, essayant de déployer toute leur féminité mais…Entre les deux, Cendrillon évolue avec tout ce qu’il faut de difficultés techniques pour montrer que c’est bien, elle, la tête d’affiche. Valentine Colosante assure le rôle-titre mais aussi celui d’une des deux sœurs en alternance. Elle en dit : « Même si interpréter les deux demande une grande forme physique, cela permet de connaître le ballet sous différents angles et de mieux l’appréhender. » ( le Monde du 20 décembre 2018), mais encore pour celui de Cendrillon : « J’ai cherché quelque chose de très naturel, très humain sans oublier qu’elle est née dans un milieu d’aristocrates et doit avoir une certaine classe, même en souillon. L’écriture de Noureev est parfois assez contemporaine, avec un tableau en chaussures à talon qui demande un vrai relâchement et beaucoup de précision. »
Quant au Prince charmant, il bénéficie de ce que Noureev a imposé dès son arrivée dans les chorégraphies qu’il crée : un rééquilibre dans le couple danseur-ballerine en développant et complexifiant les parties dansées dévolues aux interprètes masculins, à une époque où ces derniers étaient trop souvent encore réduits aux rôles de porteur et de faire-valoir. Tout au long de sa chorégraphie, Noureev va s’attarder à ne pas trahir l’ambiance féerique tout en permettant de retrouver les conceptions du ballet populaire chères au compositeur. L’aspect dramatique du ballet est sauf. Les artistes sont non seulement des personnages qui dansent mais aussi des hommes et des femmes qui éprouvent des sentiments humains. Il est ainsi capital que, par les danses, soit révéler la poésie de l’amour de Cendrillon et du Prince, qui est bien le centre du sujet et du canevas musical.
Cinéma CGR Blagnac
Cendrillon • Rudolf Noureev / Serge Prokofiev
Jeudi 16 mai 2019 à 19h30