Le vendredi 8 mars, à la Halle à 20h, ce sera un concert dont l’affiche est l’illustration parfaite de la branche “franco“ dans la première édition de ces Musicales franco-russes. Debussy et Ravel sont à l’honneur, le premier avec une rarity : La Damoiselle élue, cantate avec orchestre, le second avec Daphnis et Chloé, une musique de ballet donnée en intégralité, autre rarity.
Bien connu du public de la Halle pour ses prestations ici avec l’Orchestre National du Capitole, le chef japonais Kasuki Yamada dirige les pupitres de l’ONT, nombreux pour les ouvrages choisis, ainsi que les Chœurs du Capitole menés par leur directeur Alfonso Caiani.
Deux solistes au rendez-vous aussi dans la cantate, Sandrine Piau et Karine Deshayes, chacune avec sa voix au sommet en cette période.
Le concert débutera par la pièce de Claude Debussy. Achille-Claude Debussy naît le 22 août 1862, à Saint-Germain-en-Laye, aîné d’une fratrie de cinq enfants. Une enfance plutôt misérable, de conditions comme affective, avec un éclair miraculeux où il est question de la Commune, Verlaine, Mathilde son épouse et Rimbaud, Gauguin ! éclair qui le conduira devant un piano, incidemment, et par la suite, à même pas onze ans au Conservatoire de Paris. Un miracle. Puis, à la Villa Medicis. Debussy, une sorte de Cosette récupérée.
La Damoiselle élue est un « poème lyrique » rédigé après le retour à Paris du compositeur quittant la Villa Médicis de Rome où il n’a pas voulu finir le séjour obtenu. Nous sommes dans les années 1886-87-88 et le “bonhomme“ se fait remarquer et par son caractère mais surtout par les compositions qu’il livre. « Debussy, c’est l’énigme. » dira Jules Massenet, pendant que sa partition, refusée par l’Institut, ne sera éditée et jouée qu’en 1893. C’est une œuvre pour soprano, contralto, chœur de femmes et orchestre. Elle ne pourra qu’évoquer à ceux qui connaissent, un certain Pelléas et Mélisande à venir.
« Malgré sa langueur mélodique extrême elle porte plus profondément encore les signes précurseurs de ce debussysme en devenir. Il se dégage en effet un parfum spécial, extraordinairement suave, en délicat accord avec le texte poétique, généralement exquis et parfois douceâtre, de Dante-Gabriel Rossetti, » texte daté de 1848, retraduit par Debussy lui-même et publié, bien éloigné d’un Émile Zola et son naturalisme triomphant alors ! Nous sommes au Paradis des amants, où la damoiselle élue et ses suivantes attendent l’apparition de son amant terrestre. Son attente demeurera vaine. La damoiselle est la petite sœur de Mélisande, une Mélisande de pensionnat. « Choix significatif : dans le royaume de la chasteté, entre Diane la vierge et l’ardente Mélisande, il y avait place pour l’adolescente Damoiselle, figure de rêve au regard bleu. »
La partition se présente comme un triptyque précédé d’un prélude purement orchestral. Le récit, chanté par le chœur féminin, est illustré par l’orchestre et souligné par le contralto solo (une Récitante), timbre dont Théophile Gautier louait déjà la qualité ambiguë, transsexuelle. De cette musique, il a été écrit : « …musique irréelle, immense caravelle enchantée glissant dans l’azur vers le soleil couchant, caravelle de mousseline bruissante, dont les nautonnières sont des oblates enivrées des parfums de la terre et chantant la gloire du ciel. » Opulence sonore et harmonique faisant le plus efficace contraste avec l’entrée de la Damoiselle, dont le long monologue constitue tout le centre de l’ouvrage et sa partie la plus développée.
Maurice Ravel
[Ciboure, 7 mars 1875 – Paris, 28 décembre 1937]
Daphnis et Chloé
Musique de ballet pour orchestre et chœur
Symphonie chorégraphique en trois parties
La nomenclature orchestrale est impressionnante, sans commune mesure avec un effectif de musique de ballet habituelle, et mérite d’être détaillée : 1 petite flûte, 2 grandes flûtes, 1 flûte en sol, 2 hautbois, 1cor anglais, 1 petite clarinette en mi bémol, 2 clarinettes en si bémol, 1 clarinette basse en si bémol, 3 bassons, 1 contrebasson. C’était la liste des bois ou vents sollicités.
4 cors en fa, 4 trompettes en ut, 3 trombones, 1 tuba.
Timbales, caisse claire, castagnettes, crotales, cymbales, héliophone, grosse caisse, tambour, tambour de basque, tam-tam, triangle, célesta, timbres, xylophone.
2 harpes
Quintette à cordes avec contrebasse avec ut obligé.
Lors de l’exécution du ballet, petite flûte et petite clarinette devaient se trouver sur la scène, cor et trompette derrière la scène.
Chœurs en coulisses (sopranos, altos, ténors et basses).
On se demande bien comment on pouvait alors concilier la place pour l’orchestre, les chœurs et, tout de même, le corps de ballet !!
Le sous-titre de “Symphonie chorégraphique“, suggéré ultérieurement par Ravel, ne laisse planer aucun doute : les vrais moments de danse sont en fait bien rares dans une œuvre qui semble s’ingénier au contraire à multiplier cortèges, interludes et tableaux symphoniques absolument “indansables“. Au delà de ce curieux assemblage, il reste l’attrait sonore irrésistible exercé par cette fresque sonore immense, servie par des moyens orchestraux luxueux et soigneusement étudiés, et plus encore par la présence d’un chœur mixte qui vient colorer et animer la masse instrumentale jusqu’à des paroxysmes tout à fait grisants. C’est donc une chance de pouvoir assister à la version intégrale, et avec chœur, chœur auquel Ravel tenait tant, même s’ils restent discrets puisque chantant en coulisses.
Pour en savoir plus sur l’œuvre de Ravel, cliquez ici
Billetterie en Ligne de l’Orchestre National du Capitole
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Kazuki Yamada (direction)
Halle aux Grains • vendredi 08 mars 2019 à 20h00