Si vous ne connaissez pas encore Cécile Grassin : son concert de danse « Olo » est en tournée au Théâtre du Grand-Rond lors d’un partage de plateau dédié à la création chorégraphique de la région Occitanie.
Pendant le festival Neuf Neuf * en novembre dernier, elle a créé le buzz ! Avec « Olo », la danseuse et performeuse Cécile Grassin mange le plateau avec l’énergie et le charisme d’un groupe de rock à elle toute seule. « Olo » – solo sans le « s » – est un véritable « concert de danse » conçu et interprété par celle qui aurait aimé être PJ Harvey mais qui selon ses propres dires « n’est qu’une danseuse contemporaine ». Oui, mais quelle danseuse ! Longtemps interprète dans les pièces du chorégraphe toulousain Sylvain Huc, Cécile Grassin développe depuis 2012 avec sa compagnie Appach ses projets personnels qui flirtent avec la performance et l’installation, dans un rapport actif avec le public. Ainsi, « Memento mori » conviait les spectateurs à sa propre veillée funèbre, dans « Cabinet de curiosité », elle se livrait à leurs regards curieux, allongée dans un aquarium géant parmi… des escargots.
Dans ce nouvel opus, Cécile Grassin déploie toute une palette chorégraphique : douze partitions dansées inspirées par douze morceaux musicaux d’une setlist très hétéroclite : PJ Harvey – figure tutélaire oblige – Jean-Sébastien Bach, Sexy Sushi, le groupe de punk hardcore Converge ou encore Otis Redding. Une palette aussi colorée et contrastée que ses collants et leggings en surcouche dont elle se défait au fur à mesure du spectacle pour dévoiler l’interprète au profit de la personne : une jeune femme d’aujourd’hui qui fait son coming out #metoo, une petite fille d’hier déjà attirée par la danse, une artiste plus coutumière des salles rurales que des strass, une adolescente fan de David Bowie et de Pierre Boulez… Une personnalité bien trempée au final qui vous fait passer du rire aux larmes, tant sa grâce et sa fraicheur scéniques n’ont d’égal que son autodérision. Telle l’enfant « jouant à », Cécile Grassin prend exagérément ou maladroitement la pause, la cigarette à la bouche, apostrophe et « chauffe » la salle, change de costume de scène, annonce chaque morceau au titre évocateur et dont l’anecdote qui l’entoure participe, comme chacun le sait, de la construction d’un mythe. Or ici, Cécile Grassin qui rit comme elle danse, libre et audacieuse, se plait à brocarder la mythologie rock’n’roll et à déconstruire sa propre légende de danseuse. Ainsi, le morceau intitulé « Argelès » nous fait revivre les moments peu glorieux d’une jeune femme embauchée dans un camping pour animer un club de danse, « Guilers » revisite, lui, le premier gala de la chorégraphe à l’âge de… 5 ans ! Quant au titre « Un Goût de pâté », il laisse, en dépit de sa brièveté, présupposer une expérience personnelle plus obscure. « Olo » s’avère l’autoportrait chorégraphique d’une personnalité solaire, drôle et foncièrement rock jusqu’à la pointe des cheveux… À l’instar de ses précédentes créations, Cécile Grassin provoque l’interaction avec le public. Le concept du concert est tout à fait approprié pour aller chercher dans les rangs la complicité des spectateurs charmés et troublés par cette présence à l’énergie communicative et à l’engagement physique « décoiffant ».
Si sa performance extrêmement incarnée fouette les sens et déclenche des émotions très diverses, elle est aussi très graphique. Leggings bigarrés, manteau léopard, bikini à paillettes et baskets bleues indigo contribuent fortement à la plasticité du spectacle, mais la création lumière de Pierre Masselot n’y est pas étrangère, magnifiant et sculptant aussi le geste chorégraphique. Ici, un mouvement de rotation de la tête sauvage et effréné forme une couronne de cheveux dorée balayant l’air en tout sens. Là, ses collants fixés à la taille et au front cinglent l’espace scénique en de longs rubans multicolores. Ailleurs, sa silhouette échevelée transperce l’épaisseur des fumigènes en des sauts d’une ampleur stupéfiante ! « Olo » se révèle alors une danse de la joie et de la liberté que s’approprient les spectateurs dans un état d’euphorie rarement provoqué par un spectacle de danse contemporaine. Les Apaches sont de retour !
Une chronique de Sarah Authesserre pour Intramuros et Radio Radio
- Du 15 au 19 janvier à 21h, Théâtre du Grand-Rond (23, rue des Potiers, 05 61 62 14 85, grand-rond.org)
* Festival de danse contemporaine organisé par la Plateforme de la compagnie Samuel Mathieu