Jouissif et démesuré. Cinq comédiens embrasent le théâtre Sorano, à l’aide du jerrycan d’essence et d’électricité qu’est l’écriture d’Eugène Labiche. Bondissez-y
Devant le théâtre Sorano, à l’intérieur du hall, des hommes se pressent, des femmes attendent, des mains serrées, des bouteilles que l’on vide, des pieds qui vont et viennent, des éternuements, des bonjours, des murmures, des personnes qui toussent, des baisers, des éclats de rire. Un zoo, bruyant et désordonné.
Sont-ce des hommes ou des animaux ? Un peu des deux, répond Jean Boillot, metteur en scène des Animals, spectacle du soir. Deux pièces, La Dame au petit chien et Un mouton à l’entresol, de Labiche, l’auteur et non la bête, sont jouées l’une à la suite de l’autre.
Que c’est étrange, un humain. Ici, tout l’est, à l’excès. Les costumes vieillis, les tons et les teins surannés, presque laids. Les personnages rivalisent de bêtise. C’est à se demander : qui est-ce qui est le plus demeuré ? La femme amoureuse de son chien ? Le faux-riche qui se fait rouler par un jeune peintre sans-le-sous ? Le maître dominé par son domestique ? Fatras de râles, de grognements. Les habitudes, les mécanismes sont grippés. Les gestes, les langues sont désordonnés. Tout est absurde, sexuel, animal. Il y a quelque chose de cruel dans tout ce qu’il se joue sur scène. Ce à quoi l’on fait face : la loi de la jungle.
En face de ce déferlement de mots, de cris, de convulsions, de gestes incongrus, les spectateurs se terrent dans le silence ou se laissent emporter par le rire. Certains n’en finissent pas de glousser. D’autres s’exaspèrent de ça. La fosse est une basse-cour, où l’on râle et l’on caquète. Que les pleinement-émotifs le soient, que les mutiques le restent, que les râleurs demeurent et que cette société s’anime, s’animalise et emplisse les salles. C’est cela ouvrir grand les portes. Accepter qu’on y entre. Et, fatalement, s’accommoder de tout… même des lumières bleues irréelles des téléphones.
Billetterie en Ligne du Théâtre Sorano
Théâtre Sorano
La Bonne éducation • Eugène Labiche /Jean Boillot
jeudi 20 et vendredi 21 décembre 2018 à 20h