Akiko Suwanai sera la soliste de l’éblouissant et surprenant Concerto pour violon et orchestre d’Éric Wolfgang Korngold, l’Orchestre national de Toulouse étant placé sous la direction d’une nouvelle enthousiasmante baguette, le tout jeune finlandais Klaus Mäkela. Suivra le Petrouchka, version 1947, d’Igor Stravinski.
Pour ouvrir ce concert du samedi 8 décembre 2018, à la Halle, une mise en bouche intitulée Perú negro, œuvre de17 minutes environ, de Jimmy Lopez, compositeur péruvien né à Lima en 1978.
Le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35 est composé par Erich Wolfgang Korngold, musicien dont tous les amateurs de lyrique entendent parler en ce moment puisque son opéra le plus connu arrive enfin au Théâtre du Capitole pour 5 représentations à partir du 22 novembre, presque cent ans après sa création en décembre 1920, et sa consécration, alors. Korngold a 23 ans. Vous pouvez en apprendre un peu plus sur le compositeur et sur cet opéra Die tote Stadt – La Ville morte – en lisant mon article sur le blog, justement.
Pendant les années 30, il va se partager entre l’Europe et les Etats-Unis puis, rattrapé par l’Anschluss en 1938, il va partir en exil forcé aux Etats-Unis, jusqu’en Californie, et trouvera de quoi subvenir grâce à Hollywood puisqu’il deviendra un créateur de musiques de film très recherché, notamment les films de cape et d’épée. Sa musique pour Les Aventures de Robin des Bois de Michaël Curtiz lui vaudra un deuxième Oscar. Néanmoins, l’Europe ne l’oublie pas encore puisque son opéra Die Kathrin est créé à Stockholm le 7 octobre 1939. Puis, jusqu’en 1946, il ne se consacre plus qu’à la musique de film, et tentera bien un retour dans son pays natal, et surtout à Vienne. Hélas, la guerre est passée par là, et il est plutôt oublié.
A partir de 1945, il retourne à la musique classique, et ce seront ses dernières partitions orchestrales avec la création en 1946 du Concerto pour violoncelle et orchestre en ut op. 37 et, en 1947, du Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35, dédié à Alma Mahler-Werfel, deux partitions inspirées de musiques de film, sans oublier La Sérénade symphonique de 1948, tout en commençant ce qui sera sa dernière œuvre majeure, la Symphonie en fa dièse majeur op. 40 qu’il achèvera en 1952.
Le Concerto joué ce soir, fut terminé en 1947 (plus de 8 ans de gestation), écrit pour Bronislav Huherman, un des grands virtuoses de l’époque qui, finalement ne le jouera pas. Ce juif polonais, chassé de son pays, exilé en Angleterre puis rentré en Suisse où il décède en 1946 était un violoniste virtuose. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il fonda en 1936, l’Orchestre Philharmonique de Palestine, ancêtre du Philharmonique d’Israël. C’est, finalement, Jascha Heifetz qui donne la première exécution du Concerto en 1947 et ce, avec le St Louis Orchestra dirigé par un certain Vladimir Golschmann, chef d’orchestre français, né dans une famille russe arrivée à Paris. Il part aux USA pour faire carrière. Il décède à NY en 72 à 78 ans. L’ouvrage va enthousiasmer le public américain, un peu moins le public européen, alors, même si maintenant c’est un concerto devenu incontournable.
La tradition postromantique viennoise de sa jeunesse emplit toujours sa tête et tout au long du concerto, les thèmes rappellent sans difficultés les matériaux musicaux de ses musiques de film. Les réminiscences sont nombreuses et c’est une pratique habituelle pour le compositeur puisque, si l’on va vers les Fünf Lieder, op.38, contemporains du concerto, on peut s’amuser à retrouver les thèmes, à condition, toutefois, de connaître les films en question !! Côté violon, on dira que les difficultés sont un peu du même niveau que celles rencontrées par Paul dans l’opéra Die tote Stadt, c’est-à-dire ardues : mieux vaut avoir technique sans faille et virtuosité. Après, les paris sont ouverts dans la découverte des thèmes qui se succèdent. On remarquera aussi, côté orchestration, les mille et une subtilités orchestrales, et une section de percussions relativement abondante, chose rare en concerto, mais que le compositeur a su utiliser avec modération ! dernière remarque enfin, le violon prend la parole d’entrée et ne la lâchera que rarement, le soliste étant sollicité jusqu’au bout.
Petrouchka, ballet composé pour Serge de Diaghilev par Stravinski en 1911, venant après L’oiseau de feu (1910) et avant Le Sacre du Printemps (1913). Le compositeur russe écrira huit musiques pour ballet commandées par le “sourcier“ russe qui révolutionne le ballet du début du XXè et lui fait prendre un essor prodigieux. Ce découvreur de talents hors-pair, danseurs comme chorégraphes, créateurs de décors et costumes, a aussi un flair incroyable pour le choix des musiques écrites par tel ou tel compositeur, en tant que musique de ballet. C’est ainsi qu’il trouvera La Valse de Ravel formidable, mais pas pour créer un ballet par dessus. De la version pour ballet, Stravinski donnera une version orchestrale en 1947, avec un effectif en principe légèrement réduit par rapport à la version originale.
Petrouchka est une succession de scènes burlesques en 4 tableaux d’Igor Stravinski et Alexandre Benois(t)
La création eut lieu à Paris le 13 juin 1911 au Théâtre du Chatelet sous la direction de Pierre Monteux.
Tableau 1 : Fête populaire de la Semaine Grasse Tableau 2 : Chez Petrouchka
Tableau 3 : Chez le Maure
Tableau 4 : Fête populaire de la Semaine Grasse vers le soir, et mort de Petrouchka
Successivement, environ 10 puis 4 et 7 et enfin 13 soit 34 minutes.
Parlons effectif : les bois sont par 3 ou 4 dont 2 petites flûtes et un contrebasson – 4 cors – 4 trompettes dont 2 cornets à piston – 3 trombones et un tuba – timbales et une très importante percussion avec cloches et xylophone et célesta. On n’oublie pas les 2 harpes et le piano pour son côté percussif et bien sûr, tous les pupitres de cordes.
Un mot sur le scénario qui constitue plus une succession d’images qu’une narration. Dans l’argument porté en frontispice de la partition, tout semble regard. Le drame fait évoluer ces images et les personnages qui s’y inscrivent comme une mécanique inexorable dénuée de tout romantisme, sans aucune préoccupation de réalisme.
Voyons côté musique. Elle ressemble elle aussi à une succession de tableaux, de “collages“ plutôt, avec ses plages de couleurs crues, fortement contrastées, ses “objets trouvés“. 3 dans le Premier tableau puis un seul dans le Deuxième, suivi de 3 dans le Troisième et enfin 9 dans le Quatrième. Les célèbres chansons populaires “Elle avait une jambe de bois“ (française) ou “Épouse-moi, chéri“ (russe), deux valses empruntées à un certain Lanner, un grand nombre de thèmes populaires russes, tout cela est serti dans une trame sonore puissamment diatonique qui change par saccades, comme les images d’une lanterne magique. Quant au rythme, avoir toujours à l’esprit que Petrouchka est une écriture pour musique de ballet. Elle doit être propice à la danse, se plaquant parfaitement sur les structures nécessairement cloisonnées, contrastées, puissamment articulées. Des contraintes qui rendent ces partitions plus difficiles à diriger en concert.
Bien sûr, et contrairement aux us durant une représentation du ballet, les applaudissements ne sont pas nécessaires à la fin de chacun des 16 tableaux et on attendra gentiment la fin du dernier pour manifester son enthousiasme !!
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Billetterie en Ligne de l’Orchestre National du Capitole
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Klaus Mäkela (direction) • Akiko Suwanai (violon)
samedi 8 décembre 2018 • Halle aux Grains (20h00)