Ce sera le samedi 27 octobre à 20h à la Halle. L’Orchestre National du Capitole de Toulouse sera placé sous la direction de Michael Sanderling. Il dirige tout d’abord le Concerto pour violon et orchestre n°2, Op.64 de Felix Mendelssohn, avec pour soliste Nicola Benedetti, puis la Septième d’Anton Bruckner en mi majeur, A.117.
Nicola Benedetti est née en Écosse dans une famille italienne, Nicola commence le violon à l’âge de 5 ans. En 1997, elle est admise à la Yehudi Menuhin School à Londres où elle étudie auprès de Natasha Boyarskaya. Elle continue ensuite d’étudier et ne cesse depuis de suivre les conseils de différents maîtres. Nicola joue le Gariel Stradivarius (1717).Nicola consacre une majeure partie de son temps et de sa carrière aux concertos, et est l’invitée d’orchestres majeurs à travers le monde. À côté, la musicienne est profondément engagée dans des actions éducatives et le développement de très jeunes talents. Nicola collabore étroitement avec différents établissements scolaires ou des conservatoires. En 2010, elle est officiellement nommée « Grande Sœur » de la branche écossaise du El Sistema (Fundacion Musical Simon Bolivar), le célèbre dispositif de Gustavo Dudamel au Venezuela. Nicola donne des master classes pour des jeunes musiciens à travers le monde et intervient régulièrement dans des écoles.
Sur le Concerto : De gestation difficile puisque sur une durée de six ans, créée en 1845, cette œuvre, devenue universelle, est un rêve éveillé d’environ 25 minutes comprenant trois mouvements : un Allegro molto appassionato, un début tout simplement féerique suivi d’un Andante et se terminant par un Allegretto non troppo – Allegro molto vivace. À cette œuvre tant jouée, il suffit de la laisser couler comme source ou fontaine, et l’on comprendra ce que signifie de se plonger simplement dans la lumière. Lyrisme, douceur, perfection de l’écriture orchestrale qui sert de cristal songeur au violon, tout cela émerge de ce rêve éveillé et fragile où tout chante, mais avec une douceur, une tendresse qui s’enroule doucement autour des notes.
Aussi, se dispensera-t-on de disséquer davantage le mystère et de signaler simplement quelques originalités à saisir à son écoute comme, l’exposition du thème au début par le violon seul, un orchestre formant une courbe autour du violon, la grande cadence de Mendelssohn himself et la liaison invisible et parfaite entre les mouvements. Ses interprétations ont été nombreuses ici même et je suis sûr que vous le connaissez par cœur.
Michael Sanderling est le fils de cet immense chef disparu, Kurt Sanderling qui nous a laissés quelques enregistrements mémorables, des Brahms et Schumann et Tchaïkovsky et, que j’affectionne plus particulièrement, certains symphonies de Shostakovich. Le fils a eu une brillante carrière consacrée au violoncelle jusqu’en 2010 quand le virus paternel prit finalement le dessus l’obligeant à pratiquement abandonner l’instrument pour se plonger dans la direction d’orchestre et devenir très vite renommé. Les gènes en avaient décidé ainsi. Et le voilà depuis 2010 à la tête d’un des plus grands orchestres, chef principal de l’Orchestre Philharmonique de Dresde, tout en étant invité à diriger les plus grands de par le monde. Il a 51 ans.
Anton Bruckner et la Septième
Par contre, on dira quelques mots sur le “monument“ qui suit, même si, elle aussi, la Septième est toujours aujourd’hui la plus prisée des salles de concert, avec la Quatrième. Une place d’honneur qui s’explique par le parfait équilibre architectural de l’œuvre et la beauté de ses thèmes d’une étonnante richesse harmonique qui permettent aux interprètes d’en donner les lectures les plus contrastées et personnelles. Elle possède les quatre mouvements habituels mais les durées moyennes de chacun sont très inégales. Des durées qui peuvent aussi grandement varier en fonction de l’interprétation.
I – Allegro moderato
II – Adagio : Sehr feierlich und sehr langsam, « d’une très lente solennité »
III – Scherzo : Sehr schnell « très rapide » – Trio : Etwas langsamer « un peu plus lent »
IV – Finale : Bewegt, doch nicht zu schnell « mouvementé, mais pas trop rapide »
La durée totale peut varier entre 60 à 70 minutes. Le plus court, environ dix minutes est le Scherzo. Le premier Allegro, c’est parti pour 20. L’Adagio peut aller de 20 à 25 et le dernier, le Finale, de 12 à 15.
L’effectif orchestral est assez impressionnant avec tous les bois ou vents par deux, les quatre pupitres de cordes bien sûr mais très fournis, trombones et trompettes par trois mais surtout 4 ou 8 cors ou plutôt 4 cors et 4 tubas wagnériens (2 tubas ténors, 2 tubas basses) et un tuba contrebasse ( le tuba normal), puis timbales, cymbales, triangle.
Problème un brin épineux, les symphonies de Bruckner ont subi beaucoup de corrections, et remaniements divers, mais la Septième a l’avantage de n’avoir subi que très peu de révisions, qui de plus, ne remettent pas en cause la structure globale de l’œuvre. C’est la seule pratiquement inchangée après son achèvement énoncé et sa création.
Plongeons nous un peu dans la période de la création. La première eut lieu le 30 décembre 1884 à Leipzig sous la baguette du très wagnérien chef d’orchestre Arthur Nikisch, et ce fut un triomphe, le plus grand succès d’un compositeur alors âgé de soixante ans. La Septième était dédiée à Louis II de Bavière, en hommage admiratif au souverain qui avait soutenu Richard Wagner, son Dieu musical. A. Bruckner était encore sous le choc de la première de Parsifal, donnée à Bayreuth, en 1882. Quelques mois plus tard, il se recueillait sur la tombe du “roi Richard“, lui dédiant l’Adagio de sa nouvelle Symphonie…Toutefois, les liens entre les deux musiciens s’arrêtent ici : le mysticisme de Wagner n’a rien de comparable avec la spiritualité de Bruckner.
À l’écoute, vous remarquerez les phrases brucknériennes et leurs contours extrêmement sinueux, avec des méandres imprévus. L’orchestre apparaît en plans sonores, les groupes se succédant sans transition. Le pittoresque et l’anecdotique restent discrets et n’entravent en rien la facilité d’écoute de ces monumentales partitions. Le “paysan d’Ansfelden“ ignore le clinquant et le tapage. Son romantisme est bien là, mais s’il est si extériorisé chez Mendelssohn, il reste ici ô combien intériorisé.
Et vous saurez vous éloigner de ceux qui veulent à tout prix souiller la musique du bâtisseur de cathédrales sonores intemporelles parce que les nationaux-socialistes ont voulu en faire, bien malgré lui, c’est sûr, le chantre de leur règne millénaire. La musique du « Ménestrel de Dieu » est à l’opposé d’une vision du monde totalitaire, réductrice, avilissante. Elle est loin de toute violence, à mille lieues du culte de la puissance. Elle est profondément mélancolique, elle pleure le paradis perdu, elle cherche plutôt et arrive à évoquer comme nulle autre l’apaisement dans la nature, dans la nature maternelle. En ce sens-là, elle est profondément religieuse et nous fait entendre l’essentiel. Dans une actualité si perturbée et interrogative, c’est le moins qu’on puisse dire, la musique de Bruckner chante avec une force aux limites du soutenable la tristesse de l’homme moderne face à sa solitude dans un monde que Dieu s’apprête à quitter, et sa soif d’une rédemption désormais impossible.
« J’ai mis longtemps, non seulement pour reconnaître les arcs grandioses de l’architecture des œuvres de Bruckner, mais aussi pour arriver à les interpréter. Ce qui m’émeut d’une manière presque “irréelle” c’est le reflet d’un ordre cosmique. » Günter Wand (1912-2002), chef d’orchestre
Michel Grialou
Orchestre National du Capitole
samedi 27 octobre 2018 • Halle aux Grains (20h00)