Compte rendu concert. Toulouse. Cloître des Jacobins, le 28 septembre 2018. Bach. Beethoven. Brahms. Geoffroy Couteau, piano.
Geoffroy Couteau offre au public un récital extrêmement bien construit qui permet avec une grand lisibilité de comprendre comment Bach le père fondateur irrigue de son inspiration les compostions pour clavier de Beethoven et Brahms et comment le tout jeune Brahms rend hommage à Beethoven dans sa première sonate avant d’ouvrir avec ses Intermezzi à un avenir du piano radieux. Mais également l’interprète attentif nous prouve comment Beethoven sourd a inventé les sons de l’au delà dans sa dernière sonate.
La suite française n°5 de Bach est une musique ornée et galante dont Couteau a offert une lecture pure, claire et infiniment musicale. Tout coule, tout est élégance, facilité digitale et amabilité de ton. Aucune ostentation et en toute simplicité cette suite passe comme une introduction dans un monde de fine musicalité.
Semblant avoir changé de piano Geoffroy Couteau empoigne la deuxième sonate de Brahms avec l’ardeur romantique d’un jeune homme. Celui que Brahms était lorsqu’il se présenta à 20 ans à Schumann et que celui ci compris que l’avenir de la musique tenait entre la tête et les doigts de ce beau jeune homme blond. Les mots de Schumann sur cette sonate sont encore aujourd’hui les plus exacts. Cette sonate est composée par Brahms dans sa dix neuvième année ! La fougue ne serait rien sans une maitrise digitale absolue. Geoffroy Couteau qui a gravé une fascinante intégrale de la musique pour piano seul de Brahms a encore développé les qualités de ses sonorités. La profondeur harmonique qu’il obtient de son clavier est bouleversante dès les premières mesures de « l’allegro energico » initial.
Puis tout avance ensuite comme si la composition se déroulait sous nos yeux. Toute la structure, les phrases, les élans romantiques les moments plus intimes, tout se déploie dans un même geste génial. Que dire ensuite du piano de Couteau, il est symphonique, extraverti et bouillonnant. Mais dans les moments élégiaques de l’Andante comme sa poésie intimiste nous touche ! Les couleurs changent pour d’avantage de velours et de moelleux. Le chant et son écho se répondent avec émotion explorant tous les registres du clavier. L’équilibre du son est remarquable, la puissance dans les extrêmes graves de la main gauche et la pureté des aigus à droite s’opposent ou se complètent à ravir. Le Scherzo est hoffmanien avec un coté mystérieux voir inquiétant tout à fait romantique. Quand au long final il permet à Geoffroy Couteau une démonstration de son inspiration et qui semble le dépasser tant il en fait une fête émotionnelle grandiose avec un élan irrésistible. Il est certain qu’il se passe quelque chose entre la musique de Brahms et cet artiste pour que son interprétation donne cette impression d’évidence et de vie.
En deuxième partie de concert les trois Intermezzi Op.117 de Brahms permettant une entrée progressive dans un univers d’une poésie incroyable avec des couleurs mordorées et des émotions subtilement déclinées comme avec une pudeur noble.
La sonate 32 Op. 111 de Beethoven est ce qui sera sa dernière sonate. Il n’écrira plus pour le piano ensuite car sa surdité presque totale lui rendait la chose trop difficile. Mais il n’était pas désespéré car il composera encore sa neuvième symphonie et ses derniers quatuors…
En deux mouvements cette sonate est grande par son ouverture dans le finale vers des son qui évoquent un au delà par un autre monde sonore. Geoffroy Couteau construit la sonate sur tous les plans avec une lisibilité presque aveuglante. Ainsi l’évidence de la structure binaire dans l’opposition des deux mouvements mais également se révèle dans chaque mouvement l’articulation entre les passages. D’abord l’adagio puis la fugue avec puissance et détermination ensuite les variations progressives du deuxième mouvement avec des couleurs et des nuances de grande beauté. Et à nouveau ce très beau travail sur la richesse harmonique avec un équilibrage parfait entre les deux mains afin de renforcer la sensation d’unité du son en sa richesse. Le dialogue presque déhanché de la variation centrale est plein de charme et de modernité. Tout avance pour progressivement arriver vers ce chant de l’absolu et presque de l’au delà.
Un grand moment de musique par un très grand artiste sensible au message de chaque compositeur. Brahms est peut être l’auteur de prédilection de Geoffroy Couteau mais son Beethoven est tout aussi admirable et lui « parle » autant.
Hubert Stoecklin
Compte rendu concert. Toulouse. Cloître des Jacobins, le 28 septembre 2018. Johan Sebastien Bach (1685-1725) : Suite Française n°5 BWV 816. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°32 en ut mineur Op.111. Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate n°2 en fa dièse mineur Op.2 ; Trois Intermezzi Op.117. Geoffroy Couteau, piano.