Il n’en finit plus de revisiter le hip-hop ! Après le succès de Pixel l’an dernier, Mourad Merzouki revient à Odyssud avec Vertikal. Dans ce nouveau spectacle, les danseurs prennent leur envol grâce à la complicité de la compagnie Retouramont, spécialiste de la danse aérienne. Entretien avec son directeur, Fabrice Guillot.
Toujours à la recherche de nouveaux croisements entre le hip-hop et d’autres pratiques artistiques, dans Vertikal Mourad Merzouki fait la part belle à la danse… verticale. Les danseurs explorent un nouvel espace, aérien. Ils ont travaillé pendant plusieurs semaines avec la compagnie Retouramont, spécialisée dans les techniques de danse verticale. Rencontre avec Fabrice Guillot, le directeur de la compagnie.
Quel dispositif avez-vous mis en place pour le spectacle Vertikal ?
Le dispositif s’est développé petit à petit. Nous avons d’abord rencontré l’équipe de Mourad lors d’une semaine d’exploration. En tant que compagnie de danse verticale, nous étions curieux d’essayer nos outils avec un autre langage, celui de la danse hip-hop, de voir comment ces outils pouvaient transformer la danse. Nous avons essayé différents agrès, des cordes avec des poulies, des palans … Finalement le désir a été partagé d’aller plus loin et de s’engager sur la création de Vertikal.
Les danseurs ont dû apprivoiser une nouvelle technique ; comment s’est passée votre collaboration ? Ont-ils rencontré des difficultés ?
Tout l’enjeu était qu’ils arrivent à dépasser la nouveauté. Au début, c’était presque un frein. Ils ont eu l’impression que ça les empêchait de travailler, de développer leur répertoire, mais progressivement ce frein s’est atténué. Ils ont commencé à s’habituer et ils ont même réussi à inventer de nouvelles choses qu’ils n’auraient pas pu réaliser sans ce dispositif. C’est là où c’est devenu vraiment intéressant.
Qu’est-ce que cela change dans le rapport des danseurs à l’espace ?
Tout le système que nous avons mis en œuvre permet de créer des moments de suspension dans le mouvement, comme si la gravité se transformait, comme si on pouvait distendre le temps. Mais nous avons choisi de ne pas utiliser cette suspension de façon continue, pour que ce soit presque des moments subliminaux où on se demande : « Est-ce que j’ai bien vu, est-ce que le danseur a réussi à rester en l’air quelques secondes de plus que ce que la nature permet normalement ? ». L’objectif était de proposer avec ce dispositif une danse hip-hop augmentée, qu’elle soit encore plus miraculeuse que ce qu’elle est en réalité. J’ai la sensation en tant que spectateur de hip-hop que c’est une danse qui a un petit côté miraculeux dans le sens où les danseurs ont des aptitudes que n’ont pas le commun des mortels ; d’autres articulations, d’autres muscles qui leur permettent de s’engager dans des mouvements inédits. La corde permet d’aller encore plus loin dans ce « miracle ».
Vous-même, comment en êtes-vous arrivé à pratiquer la danse verticale ?
Je suis arrivé à la danse verticale par l’escalade puisque j’étais grimpeur dans un premier temps. Ce qui me plaisait dans l’escalade c’est la recherche du mouvement, un mouvement complètement délié, fluide, ample, très précis. Il y avait beaucoup d’ingrédients qui pouvaient correspondre à la danse. Petit à petit, j’ai transformé cette aptitude à évoluer à la verticale pour passer de l’escalade à la danse. Je me suis retrouvé dans des compagnies de danse contemporaine et ensuite j’ai monté ma propre compagnie il y a trente ans.
La danse verticale est-elle connue et développée en France ?
Médiatiquement c’est une discipline qui émerge, qui a environ trente ans d’existence. Nous étions vraiment pionniers. Aujourd’hui c’est en croissance exponentielle. Il y a trente ans nous étions trois ou quatre compagnies dans le monde et là on doit être à deux cents. Et puis il y a plein de croisements, d’hybridations avec d’autres pratiques artistiques voire même des chercheurs, des sociologues, des philosophes ou des architectes qui s’intéressent à cette discipline.
Léa Guichou
Vertikal, à voir du 16 au 20 octobre à Odyssud.
Compagnie Käfig / Direction artistique et chorégraphie Mourad Merzouki / Création musicale Armand Amar / Avec 10 danseurs / Mise en espace des techniques aériennes Fabrice Guillot, Denis Welkenhuyzen (Cie Retouramont)
Crédits photo : Laurent Philippe, Fabrice Guillot