Sortent de terre des fantômes, Christophe Honoré leur fait une place sur la scène. Le metteur en scène rend hommage à ses idoles, morts du sida. Deux représentations des Idoles au ThéâtredelaCité ces vendredi 12 et samedi 13 octobre.
Les ouvreurs du ThéâtredelaCité portent leur veste bleue et invitent à quitter le hall principal. De nombreux élèves, des étudiants, des parents, des travailleurs, des retraités et des personnes âgées : la grande salle du théâtre est vite pleine.
La scène n’est pas éclairée. Se laissent deviner des piliers, chaises et deux écrans. Quelques silhouettes se déplacent lentement. Un projecteur pointe une enceinte qui projette la voix de Christophe Honoré, metteur en scène de la pièce. Le décor est profond, la scène ressemble à une espèce de station d’arrêt de RER, de métro, à un ample sous-sol.
Les premières répliques suscitent l’incompréhension. Le comédien interprétant Jean-Luc Lagarce, Julien Honoré, évoque les premiers écrits de Renaud Camus. Quelques plaisanteries s’essoufflent. Marina Foïs n’a pas encore oté son costume de Sophie Pétoncule. Le début de la représentation déçoit quelque peu. Mais, ce sentiment ne reste pas.
[…] et le sens de votre vie, serait votre mort.
Le sujet est le sida. Des planches de la magnifique bande-dessinée Pilules bleues de Frederik Peeters reviennent à l’esprit, dans un registre différent. Marine Foïs est Hervé Guibert, Marlène Saldana joue Jacques Demy, Jean-Charles Clichet devient Serge Daney, Harrison Arévalo interprète Cyril Collard et Youssouf Abi-Ayad, Bernard-Marie Koltès. Tous sont des morts, des fantômes. Tous prennent part à cette pièce colorée comédie musicale, nourrie de références cinématographiques et littéraires.
La pièce gagne en profondeur à mesure que les scènes se succèdent. Marlène Saldana, s’aventurant dans une incroyable danse applaudit sans mesure par les spectateurs en plein milieu de la représentation, et Jean-Charles Clichet surprennent par des prestations de qualité. La composition musicale qui soutient la pièce amène et consolide les tensions. Les deux écrans utilisés, auxquels répondent deux façades où sont projetées des séquences filmées en direct ou en amont de la représentation, apportent une couche supplémentaire à cette pièce.
Les comédiens allument les cigarettes les unes après les autres, sans compter et les écrasent, spectacle plaisant aux yeux des spectateurs, sur le plancher de la scène. Pareillement, les scènes se suivent et la pièce n’en est qu’une collection. Certaines sont véritablement délicieuses, fascinantes, d’autres plus banales. La représentation est une ronde d’éclats et de répliques.
Il n’est pas aisé de rendre compte de cette pièce. Elle est composite, un archipel d’îlots de jeu différents. Les spectateurs suivent les comédiens, leur font confiance, les yeux bandés. A la légère déception initiale succède le plaisir et le vif intérêt. Tout cela fonctionne.
Valentin Chomienne