La retransmission de cet ouvrage en quatre actes donné dans le cadre du Festival de Salzbourg, août 2017, c’est pour le jeudi 4 octobre 2018 dans votre cinéma CGR Blagnac. Aïda est peut-être un opéra à tendance intimiste mais qui nécessite tout de même quelques mouvements de foule. La production ne saurait y déroger et respecte le pourquoi de la création verdienne.
Dans une mise en scène épurée de l’exilée iranienne Shirin Neshat, quelques vidéos de Martin Gschlacht, d’élégants et harmonieux costumes de Tatyana van Walsum, la direction de la production est confiée à Riccardo Muti à la tête des musiciens de l’Orchestre du Philharmonique de Vienne et des Chœurs de l’Opéra de Vienne. Pour la distribution enregistrée ici, et pour ce qu’il en est des principaux rôles, Aïda, l’esclave éthiopienne au service d’Amnéris, est Anna Netrebko tandis que Radamès, le capitaine de la garde égyptienne, est le chanteur italien Francesco Meli. La mezzosoprano Ekaterina Semenchuk interprète le rôle d’Amnéris. La basse Dmitry Belosselskiy est Ramfis, le grand prêtre égyptien tandis que le baryton Luca Salsi, est le roi d’Ethiopie, fait prisonnier des Égyptiens.
Question voix, le rôle d’Aïda semble avoir été écrit pour Anna Netrebko qui résout brillamment toutes les difficultés posées par l’écriture, avec des aigus dominant aisément, superlatifs. Beauté du timbre, force impressionnante, graves jamais poitrinés, voix épanouie magnifiquement, rien que pour sa présence, c’est déjà un sommet. Amnéris, follement amoureuse et donc, follement jalouse, est presque sur la même ligne, et l’affrontement avec sa rivale est d’une rare intensité. Tandis que tous les hommes se révèlent aussi d’un très bon niveau, surtout la basse et le baryton.
L’argument est plutôt conventionnel : à la fureur amoureuse d’Amnéris, fille du roi, le conquérant Radamès préfère les charmes de la princesse éthiopienne Aïda, réduite en esclavage. C’est elle qui, poussée par son propre père, va contraindre Radamès à trahir, bien malgré lui. Coupable ainsi de trahison, il est condamné à être emmuré vivant, résistant alors aux suppliques désespérées de son amoureuse éperdue qui veut à tout prix le sauver. Inflexible dans son amour, Radamès sera rejoint dans son tombeau par Aïda dans la dernière scène de l’opéra.
Pour cet opéra au sujet antique et oriental, Verdi va inventer une musique “égyptienne“ aux couleurs orientales avec mélopée modale introduisant des sonorités exotiques surtout dans les danses. Pour le triomphe de Radamès et l’intervention des célébrissimes trompettes, le compositeur fera réaliser six trompettes droites dites de forme égyptienne, une formulation originale !! Ce sera pour la création au Théâtre de l’Opéra du Caire, le 24 décembre 1871. À la création parisienne en 1880, le célèbre Adolphe Sax va fabriquer des trompettes droites à deux pistons. Elles mesureront 1m 20 de long.
Avec beaucoup de grâce dans sa direction, un quelque chose de voluptueux dans la gestuelle, Ricardo Muti sait nous révéler toutes les subtilités de la musique de Giuseppe Verdi, et nous prouve qu’Aïda, ce n’est pas uniquement les trompettes mais aussi une grande recherche dans la composition, jusque dans l’impression d’exotisme de certains passages qu’il s’est plus à signaler au maximum, avec un ravissement évident.
N’en doutons pas malgré les apparences, dans cet opéra, se joue le drame intime de trois personnes prises dans les filets tissés par une passion amoureuse dévorante qui les conduit jusqu’à leur propre anéantissement. S’appuyant sur ce drame, Verdi et son librettiste auront construit un ouvrage répondant à la commande d’où le côté monumental par excellence de cet opéra, magnifié dans des lieux antiques à ciel ouvert comme les Arènes de Vérone, les Thermes de Caracalla, le Théâtre d’Orange, avec exubérance de décors et costumes et lumières et animaux même. Un aspect grand spectacle redoublé par la difficulté vocale de certaines pages qui se révèlent très exigeantes, sans oublier les scène de masse pour figurants et choristes, et bien sûr les ballets, et les fameuses trompettes multipliées à l’envie suivant la production. Les dernières pages musicales sont magnifiques, dignes des moments intimistes les plus beaux écrits par Giuseppe Verdi.
Michel Grialou
Cinéma CGR Blagnac
Aïda • Giuseppe Verdi
Jeudi 4 Octobre 2018 à 19h00 • Festival de Salzbourg
Photos / Aida © Monika Rittershaus