Fin de festival en belle musicalité grâce à Adam Laloum.
La pluie orageuse a bien failli ruiner la soirée mais la distribution de poncho de pluie, la scène qui protège les artistes aurait maintenu le concert coute que coute tant il était attendu pour terminer le festival en beauté. Il a tout de même été bien agréable que les dernière gouttes de pluie ai cessé dès l’entrée du cor dans le concerto. Ce même deuxième concerto de Brahms nous avait enchanté il y a peu sous les doigts de l’immense Nelson Freire (voir notre compte rendu). Adam Laloum tout juste trentenaire relevait donc un sacré défit. Il l’a fait haut la main avec un jeu souverain, d’une grande clarté et d’une belle précision.
Les nuances très soignées qu’il met dans son interprétation, ainsi que son toucher très élégant ont été émouvants. Il a semblé comme en retrait au niveau du fortissimo car nous savons qu’il peut faire tonner son piano. Ce parti pris d’une grande musicalité et de beaucoup de délicatesse n’a pas été suivi par le chef russe et son orchestre danois. C’est probablement cette absence de réponse à ses nuances et à ses propositions de phrasés qui ont mené Laloum à toujours chercher à rester maitre de lui, sans oser rubato, ni nuances trop poussées dans le forte.
Car cet artiste est avant tout un fin musicien chambriste. Nous l’avions constaté il y a peu à Salon deProvence ou son jeu expressif se nourrissait constamment du dialogue avec ses collègues. De même dans son enregistrement des concertos de Brahms le dialogue avec l’orchestre dépend des réponses obtenues, là bien plus sensibles et variées que ce soir. Le premier mouvement a donc été celui de l’attente de la part du pianiste d’une écoute et de réponses à ses propositions que la direction de Vedernikov ne lui a pas offertes. Le chef a semblé en effet plus soucieux d’efficacité, un peu trop fermement que d’adaptation et de fine musicalité. En ce sens je ne crois pas que la direction de Vedernikov convienne si bien au jeu nuancé et sensible d’Adam Laloum.
Le deuxième mouvement a permis au pianiste de d’avantage s’imposer avec des traits plus saillants. Mais il a fallu le sublime troisième mouvement pour que l’écoute plus chambriste directement avec les musiciens de l’orchestre satisfasse aux attentes du pianiste. D’avantage de proximité entre les musiciens solistes et le pianiste a été ressentie. Si L’orchestre d’Odense est de grande qualité il n’a pas en son sein de solistes marquants avec une personnalité marquante ou une sonorité pleine et riche dont il est possible de se souvenir. C’est en tout cas dans ce mouvement que nuances et phrasés se sont répondus entre soliste et orchestre. Le dernier mouvement Allegretto giocoso avec ses commentaires véloces du piano et ses nombreux contre temps a permis à Adam Laloum et l’orchestre de dialoguer avec humour. Mais c’est comme si Laloum, amusé et joueur avait laissé au chef sa vision et s’amusait à la commenter le plus agréablement possible. Le succès personnel du jeune pianiste a été remarquable avec un public très charmé par son jeu. Suite aux applaudissements généreux, y compris des musiciens de l’orchestre associés au public, il a donc offert deux très beaux bis. Jouées de manière très introvertie et très nuancée. Un Intermezzo de Brahms lunaire et profondément mélancolique et le deuxième moment musical de Schubert dans une simplicité et une intégrité remarquables, sans séduction sucrée. Adam Laloum est un grand musicien et a su avec générosité offrir de belles émotions au public.
En deuxième partie de soirée le chef russe a offert sa vision de la 6 iéme symphonie de Tchaïkovski dirigée par cœur. Son souci de l’efficacité a manqué à mon gout de fines nuances et de phrasés ciselés mais les couleurs orchestrales riches de Tchaïkovski ont été présentes. Et la construction de chaque mouvement a été bien charpentée. L’orchestre d’Odense a su avec panache suivre le chef et le public a été ravi par cette interprétation franche et dynamique de cette symphonie si connue.
Voici donc le beau concert de clôture du 38 iéme Festival de La Roque d’Anthéron, marqué par la présence de grande musicalité d’Adam Laloum.
Nous le retrouverons en septembre au Pages Musicales de Lagrasse, Festival dont il est le directeur artistique dans des oeuvres de musiques de chambre et avec les collègues de son choix et en particulier au sein de son Trio des Esprits.
Hubert Stoecklin
Compte-rendu. Concert, 38° Festival de La Roque d’Anthéron. Parc du Château de Florans, 18 août 2018. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano et orchestre en si bémol majeur Op.83 ; Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n°6 en si mineur Op. 74 « Pathétique ». Adam Laloum, piano ; Orchestre Symphonique d’Odense ; Direction, Alexander Vedernikov.