La programmation de ce cycle en est à sa 33è pour cette nouvelle saison 2018/19, Cycle toulousain faisant partie intégrante des grands rendez-vous musicaux à la Halle, essentiellement. C’est le moment de retrouver dans une même saison les plus grands noms actuels, déjà venus ou accueillis pour la première fois, les plus grands noms reconnus comme tels et aussi ceux en passe de devenir aussi incontournables que leurs compères.
Une programmation délicate car il faut faire des choix. Les envies sont multiples mais il y a des limites à tout, même au meilleur, et des équilibres sont à respecter. Tous les noms souhaités ne peuvent être là. De même qu’il faut aussi un peu de chance et beaucoup de persévérance pour d’autres car les agendas de certains sont pleins très à l’avance et rendent les disponibilités délicates. D’où notre étonnement à chaque présentation de saison de remarquer la présence de certains artistes de réputation internationale et qui vont quand même passer par Toulouse pour une soirée.
Le public toulousain connaît bien maintenant ce Cycle et les qualités des concerts qu’il propose. Il connaît les formules d’abonnements, mais un peu moins encore les nouvelles facilités de réservations, comme tout ce qui est Pass par exemple, Pass thématiques et Pass libre. Des formules plus souples, moins onéreuses aussi sur le moment, disons-le, et donc plus attrayantes. Mais il va falloir choisir, dans le genre on prend tout, ou moins. Certains choix seront très délicats.
Avant de présenter un peu les événements, faisons nôtre cette remarque de François-Xavier Roth, créateur de l’orchestre Les Siècles, à la Halle le 23 mai 2019 : « Un concert doit toujours se faire ensemble, parce que la réaction du public influe considérablement dans la manière dont l’œuvre est jouée. » Nous n’en doutions pas.
Par exemple, UN véritable événement dans la saison, c’est bien la venue, en résidence, d’une partie de la troupe du Théâtre du Bolchoï de Moscou, Orchestre et Chœur, sur trois jours. C’est le plus ancien orchestre de Russie, fondé en 1776 et l’un des plus importants au monde (plus de 250 musiciens). La Halle sera russe, russe et russe. Le 13 mars, ce seront les Chœurs, seuls, sous la direction de Valery Borisov dans des chants et chansons de Rachmaninov et Tchaïkovski. On n’épiloguera pas ici sur les voix russes. Le 14 et 15, tous, choristes et musiciens et solistes seront placés sous la direction de Tugan Sokhiev. Ce dernier est le Directeur musical de l’Orchestre du Théâtre du Bolchoï depuis 2014. Ils offriront deux opéras en version concert, deux monuments de l’art lyrique russe, La Dame de Pique de Tchaïkovski le 14, ce chef-d’œuvre considéré comme tel par le compositeur lui-même et le 15, Ivan le Terrible, de Rimski-Korsakov, ou son titre original, La jeune fille de Pskov, grand drame lyrique faisant revivre la Russie d’autrefois, d’après une tragédie de Mey, relatant l’histoire de la révolte de la ville de Pskov, mâtée justement par Ivan le Terrible. Pages grandioses, souffle prodigieux, récitatifs fulgurants, … Les solistes appartiennent au sérail moscovite.
Toujours dans le lyrique, l’ouverture de saison s’effectue le 7 novembre avec un autre opéra en version concert, un opéra baroque de Haendel, Serse, créé à Londres le 15 avril 1738 avec le castrat Caffarelli dans le rôle-titre. L’orchestre est celui d’Il pomo d’oro, orchestre tout jeune, de notoriété grandissante et devenu maintenant incontournable pour ce type d’ouvrages. Il va être dirigé ici par un certain Maxim Emelyanychev, jeune chef constituant un événement à lui tout seul, extraordinaire musicien. Il dirige le tout et joue debout du clavecin. Deuxième événement, c’est le rôle de Serse interprété par Franco Fagioli, le contreténor qui ne peut se comparer qu’à une Bartoli. Phénoménal sur scène, il est fantastique, même en concert. La scène de la folie du roi achéménide va vous surprendre !! On ne peut énumérer ici le reste de la distribution. Les fous de baroque seront tous là. À titre documentaire, l’aria “Ombra mai fu“ est la plus connue de cet opéra.
Côté piano, on ne peut pas vous faire l’affront de vous présenter les gloires que l’on retrouve dans le programme. En effet, Nelson Freire clôturera la saison le 5 juin tandis que vous aurez eu tout loisir d’entendre Murray Perahia le 25 janvier, celui dont la maxime première était : « l’important n’est pas le beau son mais un son au service de l’expression. » ou encore : « Je ne supporte pas la rigidité. La musique doit sonner librement et être le reflet de notre nature profonde. » Tout a été dit sur des pianistes d’un tel niveau, tout. Deux autres stars du clavier sont là aussi, comme Maria Joao Pires, l’une des plus grandes musiciennes de sa génération, pour sa dernière apparition en concert et ce sera dans des sonates à quatre mains de Mozart avec Lilit Grigoryan tandis que Martha Argerich jouera avec une de ses comparses Lilya Zilberstein. Schumann, Liszt et Rachmaninov sont inscrits au programme.
Le piano, ce n’est pas terminé puisque nous retrouvons Bertrand Chamayou, pianiste doté d’un formidable répertoire, avec sa complice au violoncelle, née en Argentine, Sol Gabetta dans des Sonates de Saint-Saëns, Poulenc et Rachmaninov, un duo de musique de chambre au sommet. Leur dernier passage, ici même, il y a bientôt quatre ans fut un véritable succès public.
Le Cycle se délocalise pour certains concerts à l’Auditorium de Saint-Pierre des Cuisines où dans une sorte d’intimité plus appropriée, nous retrouverons le 11 janvier The King’s Singers, ce mythique sextuor vocal britannique que l’on ne présente plus, et qui enchante son assistance avec une bonne humeur communicative et des talents toujours au rendez-vous. Mais aussi, le baryton-basse américain Evan Hughes qui sera accompagné au piano par Hélio Vida dans des mélodies entre autres de Schumann, Sibelius, Purcell…. À l’affiche encore, le pianiste de jazz Thomas Enhco et la joueuse de marimba Vassilena Serafimova, tous deux formant un duo de funambules décomplexés qui mêlent à leurs propres compositions, pièces classiques et jazz, pop, et musique expérimentale.
Toujours le piano à l’honneur avec, exceptionnellement, un récital de pianiste de jazz, celui de Brad Mehldau qui aura Carte Blanche pour la soirée. Le musicien américain est une figure à part dans le monde du jazz aussi bien par les reprises qu’il donne de chansons d’artistes contemporains que par l’originalité de ses propres compositions. Ce côté inclassable draine un public conséquent, plein d’admiration, à chacun de ses concerts.
Piano toujours le 24 novembre puis le 20 mai.
Depuis septembre 2015, le finlandais Mikko Franck est le Directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Radio France a eu la main très heureuse en confiant son orchestre philharmonique à Mikko Franck. Violoniste de formation, l’artiste a commencé sa carrière de chef d’orchestre à l’âge de dix-sept ans, et a depuis lors dirigé les plus prestigieux orchestres et opéras du monde, se révélant très vite comme une baguette hors du commun. Il est reconnu aussi comme étant l’un de ces musiciens qui s’engagent à 200 % quand ils sont sur l’estrade, et tous ses concerts sont qualifiés d’intenses moments de musique. Il s’attache à diriger des œuvres qui ont une relation directe avec son orchestre, comme pour ce concert, par exemple, ce seront des partitions de nos chers compositeurs situés à la charnière XIX-XXè comme Ravel, Poulenc, Debussy. Il a aussi pour devise, la partition, rien que la partition.
Le concert débute par Ravel et sa Valse, dans sa version première pour deux pianos et là, il faut éviter deux débutants au clavier car les difficultés sont extrêmes. Pas de souci, c’est la saga Buniatishvili qui prend les choses en mains, si l’on peut dire, ou plutôt en doigts, avec les deux sœurs Khatia et Gvantsa. Elles seront toujours là en suivant, pour une autre partition intraitable, le Concerto pour deux pianos et orchestre de Francis Poulenc. Elles auront droit à un repos bien mérité pendant que l’orchestre et son chef continueront avec Printemps, suite symphonique de Claude Debussy et pour clore, la Suite n°2 de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel. Une très belle affiche.
Pour le concert du 20 mai, nous les connaissons bien les intervenants. En effet Grands Interprètes nous a habitués depuis longtemps au chef Ivan Fischer et à SON orchestre, le Budapest Festival Orchestra. Ils ne nous ont jamais déçus. Les partitions étaient de la taille d’une Turangalila, ou d’un Château de Barbe-Bleue ou d’une Neuvième de Mahler. Pour ce concert, changement de cap. Ce seront deux Ouvertures de Rossini que le chef affectionne, parmi les plus réputées, La Pie voleuse et L’Italienne à Alger. Mais aussi une symphonie de Franz Schubert, la n°4, une des plus discrètes mais parfaitement “schubertienne“. Et quoi de mieux pour parfaire l’affiche qu’un Concerto pour piano et orchestre de Mozart, le n°17, en trois mouvements dont le Presto final est en accord total avec l’ambiance des ouvertures “rossiniennes“, presto dans lequel orchestre et soliste déchaînés laissent éclater leur verve avec une vivacité digne d’un opéra bouffe, justement ! C’est le pianiste américain Emmanuel Ax, déjà venu en duo de musique de chambre à la Halle qui officie.
Un concert tout Berlioz, ça se remarque. C’est pour le 23 mai. Le morceau de choix, c’est bien sûr, la Fantastique, la symphonie faisant partie du TOP 5 des symphonies romantiques, symphonie à programme, dont le livret a été écrit par Berlioz lui-même. Autour, nous découvrirons une pièce symphonique plus rare, l’Ouverture Les francs-Juges ainsi que, les fameuses Nuits d’été, ce cycle de six mélodies, œuvre suscitant toujours une admiration émue, interprétées par la mezzo-soprano française Marie Lenormand reconnue comme ayant une très belle diction. Pour mener à bien ce concert, nous découvrons à la direction le chef François-Xavier Roth et son orchestre Les Siècles. À la tête de son orchestre, il conjugue tous les genres et tous les répertoires, qu’il accorde au passé ou au présent en les faisant interpréter sur les instruments de l’époque de leur création. Un ensemble très original dont l’esthétique se plie à celle des compositeurs de toutes les époques.
Il ne vous reste plus qu’à vous dépêcher pour réserver au mieux vos soirées.
Michel Grialou
Les Grands Interprètes
Saison 2018 / 2019
Le Cercle des Grands Interprètes