Compte rendu concert. 38 iéme festival de la Roque d’Anthéron. Parc du Château de Florans, le 10 Aout 2018. Mozart. Schumann. Beethoven. François–Frédéric Guy. Lars Vogt. Royal Northern Sinfonia.
Concert Titanesque à La Roque
Les aléas climatiques rares mais sévères ont conduit le festival à annuler la nuit Beethoven du 9 Aout. Mais le courage de Lars Vogt est si grand qu’il a convaincu son orchestre de jouer le 10 le concert prévu et de rajouter les deux concertos de Beethoven prévus la veille. Il y a donc eu deux concerts se suivant permettant d’écouter trois concertos de piano parmi les plus difficiles et la pénultième symphonie de Mozart. Détailler toutes les interprétations serait fastidieux à lire. Je me contenterai donc de l’impression générale de chaque œuvre. Mais avant tout je dois dire que je n’ai jamais ressenti quelque chose de comparable lors d’un concert. Car ce soir dès les premières notes j’ai été traversé par un sentiment de vivre un moment aussi exceptionnel que dangereux et ce sentiment d’urgence ne m’a quitté qu’avec les dernières notes du concerto l’Empereur. Et je dois dire que jamais je n’ai ressenti autant de plaisir lors d’un bis alors que souvent je les trouve superflus ou même impudiquement voir irrespectueusement réclamés.
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Le Royal Northern Sinfonia installé et accordé le chef Lars Vogt entre, l’allure sportive est décidée, sans estrade il dirige à main nue. Nous voyons un chef très proche de son orchestre, vigilant à s’adresser à chacun en permanence. La réactivité de l’orchestre britannique est sensationnelle, chacun semblant sur le qui vive. Depuis trois ans le travail entre le chef et l’orchestre est palpable. Leur interprétation de la célébrissime 40 iéme symphonie de Mozart débute avec une grande précision spatiale permettant une écoute attentive de tous les plans. La fermeté et l’énergie déployée par le chef allemand font grande impression et la majesté de ce premier mouvement. La belle charpente et la superbe structure se déploient parfaitement. Le deuxième mouvement, Andante, d’assoupli et chante superbement. Par contre j’ai trouvé que le traitement un peu ferme par Lars Vogt, son sens des accents et la fermeté de sa main réussissent moins au Menuet trop brutal, et le final manque de légèreté et d’allant naturel. Mais l’orchestre est superbe de timbre tout du long.
Pour concerto de Schumann François-Fréderic Guy rentre en scène concentré et souriant. Le regard entre le chef et le soliste évoque d’emblée confiance et admiration réciproque. Lars Vogt dirige avec une énergie non mesurée et fait un lien constant entre chaque instrumentiste et le soliste. Leur interprétation de ce concerto sera hors normes. L’énergie partagée entre Guy et Vost est admirable et le premier mouvement avance à grande vitesse sans jamais mollir. L’intermezzo est souple et allant, comme une détente bienvenue. Les belles phrases des cordes, particulièrement celle des violoncelles, sont sublimes avec les commentaires émus du piano de Guy. La construction chambriste est absolument parfaite. Le final est vivifiant et la puissance inhabituelle donnée à ce mouvement fait grande impression sur le public. Pourtant les moments d’effusions lyriques sont présents et le dialogue avec l’orchestre est émouvant, les doigts de Guy sachant alterner grande puissance et douceur ineffable. Cette très belle interprétation a un succès retentissant et François-Frédéric Guy revient pour un bis de Brahms tardif un Intermezzo interprété avec beaucoup de sensibilité.
Après l’entracte nous avons donc une nouvelle configuration avec Lars Vogt en démiurge qui dirige et
joue le 3 iéme et la 5 iéme concerto de Beethoven.
Certes Vogt n’est pas le premier à diriger du piano les concertos de Beethoven mais la manière du chef allemand, toute pleine de musicalité est aussi habitée par une urgence communicative. Le fait que le concert de la veille soit donné, en ce qui concerne les deux concertos ce soir rajoute au challenge. Le troisième concerto est très facile d’écoute car traversé par une évidence de beauté sans conflits. Charnière entre les premiers post mozartien et les deux suivants plus révolutionnaires. Même si des moments plus douloureux affleurent, Beethoven sachant sa surdité installée et évolutive il demeure aimable et séduisant le plus souvent. La beauté du tutti d’introduction est fait d’énergie et de souplesse sorte de caractéristique de la musicalité de Lars Vogt. L’entrée du piano est bien entendue facilitée par le fait d’avoir un pianiste-chef en terme de phrasé et d’élan mais la concentration n’est pas totalement au rendez vous immédiatement. Rapidement tout avance facilement Vogt ne se levant que lors des tutti et dirigeant d’un geste ou du regard avec beaucoup d’efficacité dès que ses doigts sont libres. Les départs seuls de l’orchestre sont parfois un peu abruptes (cors) mais le premier violon fonctionne comme un chef d’attaque très efficace. La connexion du regard entre le pianiste et l’orchestre est très efficace. L’andante a la subtilité attendue avec un dialogue chambriste entre le basson, la flûte, le piano et les pizzicati, tout cela est de toute beauté. Le rondo final avance vers sa lumineuse conclusion avec beaucoup de brillant et d’élan. Le public exulte devant cette interprétation si fermement tenue.
Le concerto l’Empereur est le plus exigeant de Beethoven, celui qu’il n’a pas pu jouer, mais qui demande tant sur tous les plans. La question de l’entente du pianiste et du chef ne se pose pas, les moments de grande fusion sont très réussis et l’écoute mutuelle va de soi. Pourtant ce concerto nous convainc moins avec un chef-pianiste. En effet l’attention de l’écoute se porte sur les éléments de phrasé qui ne sont pas poussés à fond quand la phrase orchestrale et pianistique et inversement se complètent ou se superposent. C‘est peu de choses mais mérite d’être signalé. Tout ceci n’a pas entaché l’immense privilège que nous a offert Lars Vogt musicien complet, sorte de démiurge, capable de gérer sa partie de piano parfaitement, la relance de l’orchestre et ses tournes de page sur sa tablette. La performance laisse sans voix et Vogt est irrigué de musique, la partage avec la même énergie au piano comme en dirigeant. La version chef-pianiste est très intéressante et ce soir tout à fait enthousiasmante, mais ne saurait supplanter celle avec deux entités distinctes. En tout cas il faut un musicien d’une trempe exceptionnelle et ce soir Las Vogt a été l’homme de la situation avec brio. Cette nuit des concertos restera dans les mémoires comme incroyablement riche et stimulant. « 3 concertos sinon rien ! ».
Le bis si réconfortant annoncé par le démiurge Vogt : Bonne nuit de Janacek… ne pouvait mieux être choisi ni interprété!
Il n’y a qu’à La Roque que de tels défis sont possibles avec ce panache et cette bonne humeur.
Merci à la pluie ! Mais surtout a Lars Vogt et son extraordinaire orchestre de Sage Gateshead.
Compte rendu concert. 38 iéme festival de la Roque d’Anthéron ; Le 10 Aout 2018. Wolfgang Amadéus Mozart (1756-1791) : Symphonie n°40 en sol mineur K.550 ; Robert Schumann (1810-1856) : Concerto pour piano en la mineur Op.54 ; Ludwig Van Beethoven ( 1770-1827) : Concerto pour piano et orchestre n°3 en ut mineur Op.37 ; Concerto pour piano et orchestre n°5 en mi bémol majeur Op.73 « L’Empereur » ; François –Frédéric Guy , piano ( Schumann) ; Lars Vogt, piano ( Beethoven) ; Royal Northern Sinfonia ; Direction : Lars Vogt.
Rédigé par Hubert Stoecklin por Classiquenews.com