Joueurs, un film de Marie Monge
En filmant le milieu interdit des cercles de jeux clandestins, cette réalisatrice nous raconte ici une passion dévorante à l’issue impitoyable.
Paris, de nos jours. Ella travaille tranquillement dans le restaurant familial lorsqu’elle reçoit la visite d’un demandeur d’emploi, Abel. Malin comme un singe, ce dernier finit par convaincre l’innocente Ella de l’embaucher. Il ne faudra pas attendre longtemps pour que le nouvel arrivant fasse main basse sur la caisse. Ella, le prenant en flagrant délit, va le poursuivre jusque dans son repaire : un cercle de jeux.
Abel est totalement addict à ce milieu. Il brûle sa vie devant les tables de poker, quitte à se couper du monde entier. Son seul souci est d’avoir en poche de quoi miser, même si cela doit le mettre en danger. Il est d’ailleurs poursuivi par un redoutable créancier. Une étrange relation va s’installer entre Abel et Ella, sorte d’attirance/répulsion réciproque dans laquelle va naître une idylle formidablement romanesque. Ella va prendre goût au jeu, sous l’influence et la manipulation d’Abel qui va lui indiquer toutes les astuces de sa passion. Ella va basculer alors dans un autre monde, interlope, sans classe sociale, vénéneux, fascinant et pathétique à la fois, un monde de malades en quête permanente de l’adrénaline du hasard, un monde régit par une addiction dont l’issue est souvent fatale. Marie Monge brouille les pistes et fait de son film un authentique thriller. Abel cherche-t-il une voie de guérison au travers d’Ella ? Celle-ci n’est-elle pas déjà perdue dans une autre addiction qui se nomme Abel ? Où se cache le serpent de la tentation primaire ? Pour son premier film, même si parfois un peu long et redondant, Maire Monge n’en ausculte pas moins avec une précision chirurgicale un univers dantesque dans lequel chacun joue sa survie en permanence.
Les lumières sont glaçantes et glauques à la fois, les regards fixes et perdus, les mouvements compulsifs. Sa caméra fouille sans empathie aucune les remugles d’une drogue aux effets dévastateurs. Héros, si l’on peut dire, de ce premier cercle de l’enfer, Abel ira jusqu’au bout, ne sachant ni ne voulant reculer devant aucun obstacle. C’est Tahar Rahim qui incarne ce trentenaire au sourire aussi venimeux que charmeur. Il sait son pouvoir, il en connaît les conséquences. Peu importe, il ne peut que se jeter sur sa proie, quitte à l’entraîner dans sa course à l’abîme. Ce magnifique et magnétique comédien réussit encore une fois une incarnation saisissante d’ambiguïté. A ses côtés, Stacy Martin se glisse avec conviction dans le personnage d’Ella, sorte d’ange salvateur aux visées incertaines.
Un film définitivement troublant.
Robert Pénavayre
Joueurs – Réalisateur : Marie Monge – Avec : Tahar Rahim, Stacy Martin…
Tahar Rahim – Un charisme dévastateur
C’est à Montpellier que le jeune belfortain étudie le cinéma. Très vite, Tahar se tourne vers une carrière de comédien. Théâtre, cinéma et télévision vont accueillir ce jeune homme au regard rieur. Jacques Audiard va le propulser « violemment » sous les projecteurs en lui offrant le rôle principal du multi-récompensé Prophète en 2009. A l’aube de ses trente ans, Tahar Rahim devient une star. Aujourd’hui à la tête d’une impressionnante filmographie, il commence à intéresser les séries américaines. Le nouvel eldorado ! Aussi convaincant dans le drame que dans la comédie, son profil d’acteur prend de nos jours une véritable dimension internationale.