L’Homme qui tua Don Quichotte, un film de Terry Gilliam
Il aura donc fallu 25 ans et une sacrée dose d’opiniâtreté pour que Terry Gilliam achève ce film. La réussite est totale et révèle un talent hors du commun, celui d’Adam Driver !
Don Quichotte et son fidèle Sancho, nés sous la plume de Miguel de Cervantès au début du 17ème siècle, sont entrés dans la mythologie littéraire mondiale. Peintres, compositeurs, sculpteurs, écrivains et cinéastes ont tenté avec plus ou moins de bonheur de se les approprier. C’est au tour de Terry Gilliam de nous livrer « son » Don Quichotte après de nombreuses et catastrophiques vicissitudes qui nous valurent un documentaire édifiant intitulé « Lost in la Mancha » (2002).
Le dernier opus de ce réalisateur s’emparerait de ces deux héros à la seule fin qu’ils nous conduisent dans les affres de la création cinématographique ? Ah bon ! Pas plus ? Réponse à la fin de cet article. Pour l’heure, il n’est rien de dire que devant la caméra de Terry Gilliam, Don Quichotte et Sancho Panza vont nous amener sur des chemins de traverse insoupçonnés. Le pitch de départ est donc le tournage d’un Don Quichotte. Toby, le cinéaste, fantasque par définition, ne maîtrise pas totalement une production qui doit aussi compter sur des financements russes… Toby se remémore alors un petit film fait pendant sa jeunesse estudiantine, tourné non loin de là. Il s’échappe du plateau et se replonge dans ce village qui l’accueillit quelques années plus tôt. Là, il retrouve son Don Quichotte d’alors, un cordonnier. Sauf que voilà, ce dernier est « devenu » Don Quichotte et vit son personnage envers et contre tous. Une jeune fille aussi, engagée dans ce premier tournage et à laquelle Toby a fait miroiter les étoiles hollywoodiennes, a cru à ce mirage. Au grand dam de son père.
A la suite de péripéties inénarrables ici, Toby va devenir le Sancho de ce Don Quichotte vivant un rêve éveillé. La suite est un tourbillon où l’on retrouve Terry Gilliam à son zénith. Il faut se laisser porter, envahir par cette aventure forcément picaresque, pleine de surprises, d’images follement fantastiques, voire fantasmatiques, de fausses pistes et d’envolées lyriques d’où le rationnel est définitivement banni. C’est bourré de fantaisie, d’humour, tout cela a une allure totalement débridée. Mais ce film ne s’arrête pas à cette image. Il est aussi le regard plein d’amour d’un réalisateur pour ses comédiens. Terry Gilliam donne ici son vrai premier grand rôle à Adam Driver, le déjà célèbre Kylo Ren de l’épisode VII de Star Wars. Cet acteur, dont nous pouvions nous douter de l’énorme potentiel, nous en fait ici une démonstration sans appel. Passant d’un personnage à l’autre avec une maestria époustouflante, il nous démontre l’étendue de son talent. Une étoile est née. Incontestablement. A ses côtés, comment ne pas souligner également la prestation fulgurante autant qu’hallucinante de Jonathan Price, un Chevalier à la triste figure mais à l’aura éblouissante. A vrai dire, tout le cast est parfait. Dans celui-ci nous croisons aussi Sergi Lopez, Rossy de Palma, Stellan Skarsgard et Olga Kurylenko.
Allez voir cet Homme qui tua Don Quichotte, c’est un irrésistible et véritable parcours initiatique, comme un Chemin de Damas, celui emprunté par un homme marchant sans le savoir à la recherche de lui-même.
Robert Pénavayre
L’Homme qui tua Don Quichotte – Réalisateur : Terry Gilliam – Avec : Adam Driver, Jonathan Price, Olga Kurylenko…
Terry Gilliam – Tenace, l’Américain !
Le nom de ce réalisateur est à jamais lié à celui des Monty Python. A vrai dire, le jeune Terry doit certainement une grande partie de sa carrière à cette troupe totalement loufoque et absolument géniale. Avec son film Brazil en 1985, c’est un réalisateur de 45 ans qui livre une œuvre autant magistrale que visionnaire. A ce jour son chef-d’œuvre. La suite de son cinéma alterne fantastique, fable contemporaine, science-fiction, comédie sociale. Mas sa grande œuvre, celle qu’il mûrit depuis un quart de siècle, tourne autour de Don Quichotte. Mission enfin accomplie. Tenace l’Américain !