Devant les difficultés actuelles rencontrées dans les transports, inutile de vouloir rejoindre Paris pour les dernières représentations de ce que l’on peut appeler un opéra d’Hector Berlioz, un vrai, Benvenuto Cellini, le seul avec Les Troyens à pouvoir véritablement être désigné par ce terme. Un opéra, disons méconnu, à découvrir impérativement. C’est donc au CGR BLAGNAC le 12 avril 2018 à 19h30 que vous vous rendrez. Ce sera plus simple, plus confortable et moins cher !
Qu’il me soit permis de vous signaler tout de suite l’ambiance qui vous attend par ces quelques lignes qui ont été inspirées à un spectateur lors d’une des représentations déjà données pour cette production à l’Opéra Bastille en mars 2018 : « Face à l’échec de la création de l’œuvre en 1838, Théophile Gauthier avait écrit que pour retourner le public, « il aurait fallu écrire tout simplement sur l’affiche : Opéra bouffe ». Terry Gilliam (le metteur en scène) l’a entendu au point même de dépasser probablement ses attentes les plus folles. Non seulement il n’y a pas une scène qui n’ait son gag, pas un pas qui ne se transforme en chute, mais cette comédie vire dès l’ouverture au cirque, avec son agitation, ses marionnettes géantes qui surgissent entre les rangées de l’orchestre et ses confettis qui pleuvent sur la salle, ses figurants surexcités qui peuplent l’espace sans laisser un instant de répit, ni un mètre carré de scène inoccupé. Impressionné et un peu séduit par tant de maîtrise, tant de verve, tant d’humour, on aurait sans doute exprimé quelques réserves devant tant d’exubérance muette, tant de moyens au service de la seule forme. Mais Gilliam sait choisir ses moments pour se montrer homme de théâtre : dans son spectacle frénétique, il verse, lors de la belle transition entre les deux parties du deuxième tableau comme dans l’intervention joliment déconstruire d’un pape qu’on sent trop heureux de se divertir en contemplant des marbres dénudés, une charme qui donne à ses blagues de potache des faux airs de poésie.
Et finalement, son parti consistant à faire rire en poussant Benvenuto Cellini dans les derniers retranchements de l’opéra comique n’est pas incohérent, ni avec le livret, ni avec une partition où Berlioz s’amuse lui-même en se jouant des codes du grand opéra à la française, qu’il intègre, ingère et digère pour mieux les malaxer, les transformer, les broyer sous le poids de son orchestre immense qui cherche toujours l’effet de surprise. » Un spectateur qui signale aussi la qualité des musiciens dans la fosse, tous impeccables, et qui relève encore celle des choristes, dans chacune de leurs interventions. La direction musicale est assurée par le “patron à la direction artistique“ de l’Opéra de Paris, Philippe Jordan, et les chœurs et l’Orchestre sont bien ceux de Paris.
Le rôle-phare exige un ténor hors du commun. Il est tenu par John Osborn qui nous avait enthousiasmé dans son interprétation du Prophète de Meyerbeer sur la scène du Théâtre du Capitole en juin dernier, de par son chant et sa présence scénique. Ce rôle de l’orfèvre foncièrement épicurien et si souvent limite ne pouvait que lui aller comme un gant, et ce sont bien les commentaires qui en sont faits. Le reste de la distribution participe à la fête, fête marquée par la musique de Berlioz d’abord et par le parti-pris de la mise en scène en rapport tout de même avec le livret.
Brièvement, quelques mots sur la genèse de l’opéra en deux actes. L’idée est venue au compositeur lors de la lecture des Mémoires du célèbre sculpteur et orfèvre florentin Benvenuto Cellini. Personnage d’artiste au tempérament flamboyant, avec pas mal de ressemblances avec un certain Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Le Caravage, le style bretteur, “bringueur“, buveur voire assassin, insoumis c’est sûr. Et Berlioz, pour être passé par Florence, connaissait la superbe statue de Persée de Cellini brandissant, sous la loggia des Lanzi, la tête sanglante de la Gorgone, statue qui constitue presque un personnage muet de l’opéra. Pour le livret, on compte trois intervenants qui dessinent une intrigue un peu complexe.
Pour faire simple, Cellini est amoureux de la belle Teresa, qu’on lui refuse, promise à un certain Fieramosca, médiocre sculpteur, par son père, Balducci, trésorier du pape, qui ne veut rien entendre. Cellini complote de ridiculiser Fieramosca et de lui enlever sa Teresa sous le nez. Et c’est le fameux carnaval romain, sur la Piazza Colonna au centre de Rome, scènes de rue et d’atmosphère mais duel : Cellini tue un complice du dénommé Fieramosca. C’est, musicalement, une des plus belles pages de l’œuvre du compositeur qui, comme l’Ouverture, constitue des pages que l’on retrouve en concert.
Et c’est là qu’entre en scène la statue. Meurtrier, mais qui peut se racheter. La grâce du pape peut lui être accordé à condition qu’il réussisse le chef-d’œuvre qu’il a alors promis, précisément cette fameuse statue de Persée, toujours debout sur la place de la Seigneurie de Florence. Tout le suspens final tourne autour de la fonte de la statue. Le bronze est coulé, l’angoisse devient insoutenable. Enfin, du moule brisé à coups de pic par le sculpteur surgit, encore incandescente, la statue de Persée. C’est le triomphe de l’art sur la vilenie, la jalousie, la méchanceté et les calomnies.
Triomphe de l’amour.
Triomphe de Benvenuto et pardon final.
Michel Grialou
Dutch National Opera
Benvenuto Cellini • Hector Berlioz