Connue pour son inventivité et ses performances vocales, Camille vient déployer les jeux acoustiques de son album OUÏ dans l’espace stimulant de la Halle aux Grains de Toulouse. (Deux concerts organisés par Bleu-Citron – complets 6-7/02/2018)
Camille a secoué la chanson et la pop française avec son premier album Le Fil (2005). Une partie de la critique, déboussolée, s’est agacée de son originalité démonstrative, la qualifiant de chanteuse intello. Voilà comment on fabrique une artiste clivante.
Et alors ?
Les créations de Camille offrent assez de matière à tous ceux qui, curieux, ont l’honnêteté de préférer se faire une opinion personnelle.
Pour les amoureux de l’écriture, de la composition, et les fanas de l’arrangement des sons, l’album Ouï est un bijou ciselé d’une extraordinaire musicalité, un cristal dynamique, un jeu chatoyant entre rythmiques et résonances. Quelque chose qui saisit comme une bouffée d’air parfumé de prairie, dont se détachent ensuite quantités de fragrances surprenantes et puissantes, madeleines-de-proustiennes parfois. L’album est construit pour ça : voix démultipliées, percussions de peaux, ornementations synthétiques visent un ressenti sur le bouquet final, une émotion esthétique.
« J’ai cherché une forme d’apesanteur, où les mots ne ramènent pas au réel. Même si on ne comprend pas le français, le voyage est possible, porté par les sons, les voyelles, les images. Cela permet d’aller au-delà du conflit et du discours ; au-delà même des émotions, car elles doivent être sublimées si on veut atteindre la paix. »
La poésie des mots distillés dans cet appareillage contribue certes à la musicalité de l’ensemble, et c’est ce qui saisi au premier chef l’auditeur du disque, le public dans la salle. Au-delà de cette perception purement sensorielle, le livret de l’album confirme de forts beaux textes, bien écrits, et qui révèlent des plaidoyers très clairs pour l’écologie, l’utopie, …
Avec le temps (5 albums en 15 ans), ses explorations musicales ont cessé d’être pures audaces pour s’installer dans un style définitivement organique, en régénération perpétuelle à partir des simples pulsions du corps : le souffle, la voix, le battement, la résonance.
Il ne faut pas se tromper de catégorie. D’autres artistes bouleversants, chamanes, passeurs des émotions de l’aventure humaine, touchent au cœur, au ventre. Camille est aujourd’hui à maturité dans la singularité créatrice qui est la sienne, très travaillée, et qui amène à des états de perception esthétique et sensorielle de l’instant. A sa façon, Camille est de son temps, et ses propositions artistiques élargissent la surface de cette pleine conscience d’être humain. Esthétique, et politique, donc.
et puisque c’est complet : le concert Alcaline