Signée Clément Hervieu-Léger, une mise en scène de « Monsieur de Pourceaugnac », comédie-ballet de Molière et Lully, est à l’affiche d’Odyssud, avec l’ensemble baroque Les Arts Florissants.
Après leur collaboration pour l’opéra de Francesco Cavalli « La Didone », le chef d’orchestre William Christie et le comédien et metteur en scène Clément Hervieu-Léger – sociétaire de la Comédie-française depuis ce 1er janvier – se sont associés pour porter à la scène « Monsieur de Pourceaugnac », huitième comédie-ballet de Molière et de Lully créée en 1669. Jusqu’alors, l’auteur n’avait inséré la musique dans ses œuvres que sous forme d’intermèdes cloisonnés venant ponctuer l’histoire. Mais ici, la musique joue un rôle primordial et la fusion du texte et de la musique y est totale. Les parties musicales sont en effet intégrées dans le récit, elle sont d’ailleurs parfois annoncées par les personnages. Dans cette mise en scène aujourd’hui à l’affiche d’Odyssud, à Blagnac, les musiciens de l’ensemble baroque Les Arts Florissants – fondé par William Christie – interprètent la partition de Jean-Baptiste Lully.
L’une des plus féroces pièces de Molière suit les aventures d’un provincial, interprété par l’excellent Gilles Privat, venu à Paris pour épouser la jeune Julie. Monsieur de Pourceaugnac est alors la proie de deux intrigants payés par l’amant de la belle pour empêcher ce mariage arrangé. Le récit est dénué de personnage incarnant le bon sens ou la raison, et on assiste à un renversement généralisé des valeurs. En calquant sa pièce sur le modèle des fêtes rituelles comme le carnaval, la beffa florentine ou le charivari, Molière excelle dans l’exercice de la mise en abyme, ce qui rend la mascarade d’autant plus cruelle.
Paris devient ainsi une ville aux mains du peu recommandable Sbrigani l’intrigant qui, tel un metteur en scène, est le maître d’un jeu dont il met en place petit à petit les éléments. Ces ruses s’accumulent dans une gradation effrénée, jusqu’au délire. À l’opposé de ce marionnettiste, Pourceaugnac est un pantin ridicule qui a le travers de se croire plus puissant qu’il n’est. Plus que n’importe quelle autre œuvre de Molière, cette pièce consacre donc le triomphe du théâtre : triomphe du jeu, des faux semblants, mais surtout triomphe de la folie. Pour l’écriture et pour sa mise en scène qui connut à l’époque un triomphe, Molière a emprunté la plupart des procédés comiques de la commedia dell’arte.
Après ses mises en scène à la Comédie-française de « la Critique de l’École des femmes » et du « Misanthrope », de Molière, Clément Hervieu-Léger a transposé « Monsieur de Pourceaugnac » dans la France des années cinquante. Selon le metteur en scène, «en mêlant inextricablement l’art dramatique, la musique et la danse, Molière rêve d’un spectacle total qui révélerait, aux yeux de tous, la puissance du théâtre. Dans « Monsieur de Pourceaugnac », peut-être davantage que dans toute autre pièce, il nous rappelle que le théâtre est un monde où toutes les transgressions sont permises, un monde où les fous sont les rois, où les fous sont les sages».
Jérôme Gac
Odyssud
vendredi 26 janvier 2018 à 20h30
samedi 27 janvier 2018 à 15h00 et 20h30