Ce sera le samedi 6 janvier à la Halle toujours et à 20h que les deux acolytes poursuivront, en live comme on dit, l’enregistrement de l’intégrale des concertos pour piano de Ludwig van Beethoven. Après le n°3 et le n°5 en septembre, c’est au tour du n°4 avec, bien sûr, l’Orchestre National du Capitole. Au programme en deuxième partie, de Franz Schubert, la symphonie n°9 dite “La Grande“, numérotée 8 ailleurs.
Biographie d’Elizabeth Leonskaya
Concerto pour piano et orchestre n°4 en sol majeur, op. 58.
Par son style et son originalité, le Quatrième a conquis la faveur des “connaisseurs“. L’allegro moderato débute par cinq mesures au piano. L’andante qui suit, mouvement le plus court et le plus dramatique des cinq concertos, est enchaîné au rondo final.
La composition de ce concerto, ou tout au moins son achèvement, se situe entre 1805 et 1806. Après une première audition privée chez le prince mécène Lobkowitz en mars 1807, il fut donné en concert public le 22 décembre 1808 par Beethoven lui-même. Ce fut un concert-fleuve qui comportait aussi les symphonies 5 et 6 et la Fantaisie chorale. C’est, semble-t-il, la dernière fois que Beethoven joue un concerto en public en raison de sa surdité croissante. On remarque que plusieurs années séparent ce concerto n°4 du précédent. Pourtant, ce n’est pas que le compositeur ait ralenti ses créations et ce, même dans le domaine du piano. Afin de bien resituer les éléments constituant le cadre de l’écriture de cette œuvre, on remarquera qu’il vient d’achever la Symphonie héroïque. Il vient de terminer le triple concerto pour piano, violon et violoncelle. Il a travaillé à l’opéra Léonore. Et il livre aussi la sonate n° 23 dite Appassionata. Il termine aussi seulement en 1808 la Cinquième Symphonie.
Commentaire de presse après une exécution du concerto lors d’un concert à Leipzig en 1809 : « …cette œuvre de Beethoven est la plus merveilleuse, la plus étrange, la plus artistique, la plus difficile de toutes celles qu’il a écrites. » Le commentateur souligne « la pureté indescriptiblement expressive du deuxième mouvement » et « la joie puissante qui s’élève sans contrainte du troisième mouvement ». Un rondo vif et brillant comme à l’habitude, avec un tempo particulièrement rapide, et la présence des trompettes et timbales. L’œuvre est dédiée à l’archiduc Rodolphe.
Symphonie n°8 en ut majeur, “la Grande“, D. 944*
- Andante – Allegro ma non troppo
- Andante con moto
- Scherzo : Allegro vivace avec Trio
- Allegro vivace
* Numérotation de la « New Schubert Edition – Urtext »
« Je ne sais faire qu’une chose, composer de la musique. L’état devrait me payer pour ça. » Franz Schubert.
Durée : environ une heure
Symphonie n°9, “La Grande“, numérotée de façon plus précise la n°8 après les dernières recherches.
A l’ombre de Beethoven, Schubert fut formé dans l’admiration de Haydn et de Mozart, une admiration qui, dans le cas de Haydn surtout, se mua en un culte émouvant et sincère.
« Franz Schubert, un artiste “un maître” de moindre talent peut-être que les autres grands musiciens, mais qui avait cependant entre tous, reçu de la nature, le génie musical le plus fécond qu’il prodiguait à pleines mains, et un cœur généreux (les fameuses rencontres appelées Schubertiades), en sorte que les musiciens trouveront encore pendant de nombreux siècles de quoi nourrir leur inspiration, de ses idées, et de ses inventions ». Friedrich Nietzsche (1844-1900) écrivain, philosophe.
Peu de compositeurs ont été autant défigurés par la légende que Franz Schubert. Génie méconnu, mort à trente-et-un ans après une vie passée plus ou moins dans la précarité, amant malheureux qui offrit pourtant au monde ses plus belles mélodies, Schubert compose un personnage pathétique à souhait, que des films, des romans faciles et de nombreux « journaleux » ont entretenu sous couvert de bonnes intentions.
Dans le même temps où Ludwig van Beethoven compose ses grandes œuvres de la troisième et dernière période, Schubert écrit la totalité de la sienne. En quatorze ans, ce seront douze Symphonies ou assimilées, des dizaines de partitions pour musique de chambre, quatre cent cinquante deux Danses pour piano ! Vingt deux Sonates pour piano, un peu de musique religieuse, rien que neuf Messes et trente œuvres chorales. Il est aussi l’auteur de vingt musiques de scène. Si on ajoute six cent trente quatre lieder avec piano ! Cinquante trois compositions pour chœurs d’hommes,… et quantités d’œuvres vocales à deux ou trois voix…Plus de mille œuvres au total, pas toutes achevées, et dont bien peu étaient connues au-delà du cercle de ses amis proches et de quelques musiciens. Certaines d’entre elles, et pas des moindres ne seront diffusées qu’après sa mort, quand elles furent jouées pour la première fois, et enfin éditées.
Pour réaliser une œuvre aussi phénoménale en quatorze ans, deux conditions au moins paraissent indispensables :
- la première, il faut un génie musical d’une inépuisable fécondité.
- La seconde, c’est l’application au travail. Quelle incroyable puissance de travail ne fallait-il pas rien que pour copier cette œuvre colossale ! « Il abhorrait tout ce qui était contrainte (le travail selon une heure fixe). Mais, il était un compositeur extraordinairement fécond et appliqué » dira de lui un proche. Il compose avec une régularité scrupuleuse. Ses copies sont faites avec une netteté et avec un soin dignes d’un maître d’école, qu’il est d’ailleurs puisqu’ assistant de son père, instituteur, ce travail lui évitant alors des années au service de l’armée. En ce temps-là, en Autriche, être maître d’école impliquait aussi d’être musicien ! Son frère, Ferdinand est aussi enrôlé dans le même métier. Il trouve sa tâche, fastidieuse! Franz, lui, trouvera cela … « suppliciant » ! …
Si l’on ne dit que quelques mots sur l’Allegro vivace du dernier mouvement, il constitue bien un des finales les plus monumentaux de tout le répertoire, dont on souhaite ardemment entendre toutes les reprises. Il est parcouru d’un bout à l’autre par les deux idées émises d’abord, deux idées très courtes, qui se répondent et se complètent, et dont l’une sonne comme un appel tandis que l’autre impose une vie rythmique particulière. C’est la joie victorieuse, l’affirmation de la puissance vitale retrouvée qui n’exclue pas les joyeuses flâneries du rêveur impénitent qu’était Schubert. Une courte référence à l’Hymne à la Joieest un nouveau salut à Beethoven et ce finale qui prend des allures de ländler n’en est pas moins d’une grandiose architecture. C’est le trémolo très doux des violoncelles qui annonce la coda finale, apothéose gigantesque de deux cent mesures dont le rythme persistant – toujours les mêmes quatre notes – et la pulsation irrésistible marqueront le triomphe de la marche en avant.
Michel Grialou
Orchestre National du Capitole
Tugan Sokhiev (direction)
Elizabeth Leonskaya (piano)
Samedi 06 janvier 2018
Halle aux Grains (20h00)
Elizabeth Leonskaya / Tugan Sokhiev © Marco Borggreve
Orchestre National du Capitole © Patrice Nin