La compagnie japonaise Sankai Juku vient de donner deux représentations de son dernier spectacle, Meguri, à Odyssud. Voir Meguri, c’est entrer dans une autre dimension. Un choc visuel et esthétique.
Leurs corps entièrement recouverts de blanc, crânes rasés, les danseurs évoluent avec des mouvements lents, empreints de spiritualité, dans un décor minimaliste. Dès les premiers instants, Meguri transporte le spectateur dans un autre espace-temps. Les corps ondulent, aériens, portés par une musique atmosphérique qui ne dénoterait pas dans Blade Runner ou 2001 : l’Odyssée de l’espace. La musique de la pièce a été écrite par trois musiciens qui ont chacun composé pour le cinéma et la télévision : Takashi Kako, Yas-Kaz et Yoichiro Yoshikawa.
De chaque geste, de chaque mouvement, se dégage une grande force. Il faut dire que la préparation physique et mentale est cruciale avant d’entrer en scène : « Trois heures avant de danser, nous procédons aux échauffements individuels en silence, puis au maquillage qui prend une heure et enfin à la concentration au cours de laquelle chaque danseur répète mentalement ses mouvements »¹, explique le chorégraphe, Ushio Amagatsu.
Le butô est une danse singulière. Loin des conventions occidentales, elle est née au Japon dans les années soixante, dans un contexte socio-politique agité, post-Hiroshima. La vie et la mort transparaissent dans les variations interprétées par les danseurs de Sankai Juku, compagnie composée d’hommes uniquement, de tous âges et originaires de différentes régions du Japon. La vie, la mort, mais aussi la nature.
La nature est au cœur du travail d’Ushio Amagatsu, particulièrement dans Meguri qui porte comme sous-titre : « Exubérance marine, tranquillité terrestre ». Le mur qui constitue le fond du décor s’inspire « des fossiles de crinoïdes, animaux aquatiques en forme de plantes ». Sept tableaux composent la pièce dont « Métamorphoses au fond des mers » dans lequel les danseurs, couchés au sol, bougent leurs jambes, leurs bras et leur mains avec une telle délicatesse qu’on croirait voir s’épanouir une merveilleuse plante aquatique.
Enfin, Meguri vient de «Meguru» qui fait référence à un cycle et par extension le passage du temps, les changements de saison et l’évolution des choses : « Mes spectacles ne parlent que de cycles »¹, reconnaît Ushio Amagatsu. La pièce se termine donc comme elle a commencé. Un spectacle d’une grande beauté.
Léa Guichou
¹ entretien avec Ushio Amagatsu, «Possibles !», le trimestriel d’Odyssud.