Pourquoi ne pas continuer quand ça marche ? Saison 8 de Viva l’Opera dans les salles UGC
Rien ne peut remplacer on le sait, une représentation d’opéra dans une salle dévolue et ce, même si ce n’est pas la meilleure distribution côté voix, le meilleur décor,……mais les moyens actuels permettent d’offrir à un public de plus en plus diversifié et étendu, un spectacle auquel il n’aurait pas nécessairement la chance de pouvoir y assister.
Alors, n’est-ce pas une réelle opportunité de rejoindre la salle de cinéma la plus commode, capable de fournir dans les meilleures conditions d’écoute, un spectacle de qualité qui ne pourra qu’encourager le ou les amateurs à, qui sait, un jour, se retrouver dans une vraie salle dite lyrique. Et puis, il y a ceux qui peuvent faire les deux, comme à Toulouse, le Théâtre du Capitole et la salle UGC. Quelle chance !
Alain Duault, qui anime les retransmissions vous dira qu’une programmation exige un peu de réflexion pour se mettre en place et perdurer : « Comment composer le programme d’une saison de Viva l’opéra ? C’est un peu comme composer un gouvernement : il faut du changement dans la continuité, des nouveautés et des valeurs sûres, des audaces et de la sagesse, une volonté de surprendre et la nécessité de mériter la confiance de celles et ceux – vous – qui par leur présence fidèle et par l’effet d’entraînement de leur satisfaction, ce si précieux “bouche à oreille“ font que notre assemblée est de plus en plus vaste. » Un savant équilibre donc à déterminer entre productions d’opéras incontournables, ouvrages plus rares, mais pas trop, stars parmi les chanteurs et chanteuses, chefs, metteurs en scène. Un seul nom peut parfois décider que la salle affichera complet. C’est le public de l’opéra, excessif, mais tellement enthousiaste.
Pour la huitième saison, la collaboration avec l’Opéra national de Paris se poursuit. Son Directeur, Stéphane Lissner la justifie pleinement avec des arguments déterminants : « Les rapports entre l’opéra et le cinéma ont toujours été placée sous le signe des “affinités électives“. Si l’art lyrique est l’ancêtre naturel de nombreux genres cinématographiques, réciproquement, le septième art constitue aujourd’hui une source d’inspiration majeure pour de nombreux metteurs en scène : ainsi le travail d’un Krzysztof Warlikowski, de Damiano Michieletto ou encore de Ivo van Hove, pour ne citer qu’eux – qui signent respectivement les mises en scène de Don Carlo, Don Pasquale et Boris Godounov – se nourrit de références filmiques pour faire résonner les œuvres du répertoire dans ce qu’elles ont de plus actuel. »
Mais encore : « Si le théâtre garde pour lui l’irremplaçable présence des interprètes, le cinéma permet à un public toujours plus nombreux et éloigné des salles de découvrir des spectacles lyriques ou chorégraphiques. Parce que la caméra permet au spectateur de s’immiscer au plus près de la voix d’un chanteur et du souffle d’un danseur, parce que l’œil aguerri du réalisateur guide les regards à travers la densité d’une mise en scène ou d’une scénographie, le spectacle filmé s’impose aujourd’hui comme un objet en soi, un vecteur essentiel d’émotion et de démocratisation artistique. »
En DIRECT de Paris, nous aurons donc, ce Don Carlos de Verdi, puis La Bohème suivi d’un spectacle de ballet s’intitulant Pite, Pérez, Shechter, puis Boris Godounov et enfin Don Pasquale.
Jeudi 19 octobre, événement à n’en pas douter et ce, à plusieurs titres. Le metteur en scène déjà, le dénommé Warlikowski, le chef, Philippe Jordan, et un plateau vocal hallucinant !!! Jonas Kaufmann en Don Carlos, celui qui va se sacrifier pour lui, Rodrigue, le marquis di Posa, ni plus ni moins que le baryton au firmament, Ludovic Tézier. Philippe II, ce sera la basse du moment Ildar Abdrazakov, le Grand Inquisiteur, une autre basse qui , s’il n’est pas le roi, il est le “patron“ des inquisiteurs, j’ai nommé Dmitry Belosselskiy. Et pour parachever le tout, Sonya Yoncheva dans Elisabeth de Valois, et celle par qui, folle de jalousie, se noue tout le drame, la borgne mais si belle Princesse Eboli, maîtresse du roi, folle amoureuse du fils Don Carlo. Pour un rôle pareil, rien ne vous sera épargné avec Elina Garança. On peut penser que les comprimari choisis sont de futures stars en devenir !! les places à Bastille seront très très chères et il n’y en aura pas pour tout le monde. En salle UGC non plus. C’est bien sûr LE CLOU DE LA SAISON.
Autre en DIRECT de l’Opéra Bastille, le mardi 12 décembre avec La Bohème de Puccini. La malheureuse Mimi, c’est Sonya Yoncheva qui va provoquer quelques effusions de larmes, et à ses côtés une Musetta, nouvelle venue à vive allure sur les scènes internationales, Aida Garifullina. L’amoureux transi et fauché, c’est une nouvelle star parmi les ténors, le dénommé Atalla Ayan. Autre élément déterminant, la production est dirigée par Gustavo Dudamel, ce chef d’orchestre vénézuélien qui vient de diriger son premier concert du Nouvel An à Vienne, une forme de consécration manifeste.
Le jeudi 24 mai, ce sera le seul ballet en DIRECT DU PALAIS GARNIER sur des chorégraphies de Crystal Pite et Ivan Pérez et enfin Hofesh Shechter. Les danseurs sont les Etoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris. Les différents ballets sont donnés sur des musiques enregistrées de Max Richter, arrangement des Quatre saisons, John Zorn, Jean-Sébastien Bach, Nitin Sawhney.
En DIRECT de l’Opéra Bastille, le jeudi 7 juin, une nouvelle production de Boris Godounov dans une mise en scène de Ivo van Hove, l’ensemble dirigé par Vladimir Jurowski, et dans Boris, l’immense Ildar Abdrazakov. On note aussi le Vaarlam de l’impressionnant, Evgeny Nikitin. Noter que le spectacle d’un peu plus de deux heures ne pouvant être coupé, les trois actes seront donnés sans entracte.
Dernier Direct de la saison le mardi 19 juin et ce, du palais Garnier, un Don Pasquale de Donizetti. La mise en scène du sieur Damiano Micheletto peut nous réserver quelques surprises !! Au pupitre, c’est un grand habitué des spectacles lyriques, Evelino Pido. Don Pasquale, c’est l’immense Michele Pertusi, qui tenait le rôle de Silva sur la scène du Capitole dans Ernani. Il y fut extraordinaire, et il est aussi un Don Juan de légende. Ernesto, c’est le ténor américain Lawrence Brownlee qui chanta à Toulouse dans un Turc en Italie de haut vol , il y a quelques années : il y fut un époustouflant Narciso. Dans le rôle de Dottor Malatesta, valeur montante et toujours plus haut, le baryton Florian Sempey. Et tout ce petit monde autour de l’espiègle et déterminée Norina, interprétée par Nadine Sierra.
Si nous avons insisté sur les retransmissions en DIRECT, voyons par quoi débute cette saison 8 dans les salles UGC. Ce sera le jeudi 14 septembre, un ouvrage donné au Liceu de Barcelone, le Manon de Jules Massenet, le peintre idéal de la passion amoureuse. Manon, on l’associe souvent au mouchoir que bon nombre dans le public triture en attendant qu’il essuie quelques larmes. La direction musicale est confié à Victor Pablo Perez pendant que la mise en scène, raffinée et miroitante, fut créée par un habitué des plateaux lyrique, le britannique David Sir Mc Vicar. Pour bousculer un peu plus les glandes lacrymales, Manon, c’est notre Natalie Dessay qui fait tourner “en bourrique“ ce pauvre Rolando Villazon. « Dans cet univers impitoyable où nulle hypocrisie ne vient adoucir la terrible réalité vers laquelle les appétits de Manon et la faiblesse de Des Grieux les entraînent, Natalie Dessay et Rolando Villazon prêtent à leurs personnages la générosité de leur engagement. »
Le papa qui rappelle son fils à l’ordre, c’est une gloire du chant lyrique, la basse Samuel Ramey. De ce spectacle, on a pu lire : « Comment représenter Manon sans sombrer dans l’illustration banale mais tout en étant fidèle au livret ? Cette quadrature du cercle, la production proposée au Liceu la résout avec brio. C’est le résultat conjugué de la conception conduite par David McVicar, de chanteurs qui sont aussi des acteurs et d’une exécution orchestrale qui rend pleinement justice à la riche partition de Massenet. »
Jeudi 5 octobre, on continue avec Un Bal masqué de Giuseppe Verdi donné à l’Opéra de Munich, une tragédie intime doublé d’un drame politique. Il est des noms à l’affiche qui vous attirent irrésistiblement comme, à la direction de l’ouvrage, le chef Zubin Mehta qui, du haut de son plus d’un demi-siècle d’expérience, fait qu’on ne le présente plus. Quant à la distribution vocale, les deux amoureux, Amelia et Riccardo, ce sont la soprano Anja Harteros et le ténor polonais Piotr Beczala. Les deux sont au faîte de leur gloire. Du ténor, il est dit : « Tout l’héroïsme du rôle est là, sans trace d’effort, mais la frivolité de ce roi des Lumières camouflé en gouverneur colonial est là aussi, avec quand il le faut une légèreté rarement atteinte ici. »
Moins connu, dans le rôle du mari bafoué, Renato, c’est le baryton George Petean. S’il devait être moins connu, ces quelques lignes nous rassurent aussitôt : « Heureusement, à lui seul, le baryton George Petean (Renato) sauve le spectacle. Déjà remarqué en Rodrigo dans un Don Carlo à Munich en juillet de cette année ou du Trovatore genevois de l’an dernier, le baryton roumain s’affirme comme l’un des plus grands interprètes actuels du répertoire verdien. Sa voix bronzée imprime son personnage de l’humanité nécessaire à l’amitié qu’il porte à Riccardo alors, que ses couleurs sombres excellent dans la personnification de l’homme jaloux en proie à la furie contre son épouse infidèle. S’ingéniant à conserver une ligne de chant modèle, sans jamais être dans la représentation, son Eri tu signe l’apogée d’une prestation exemplaire. » Un Renato donc, d’excellente facture. Quant à la mise en scène de Johannes Erath, elle pourra surprendre mais ne dérangera pas le spectateur.
Après le direct avec Don Carlos – voir ci-dessus – suit un retentissant Don Juan le 9 novembre. C’est une production de l’Opéra de Monte-Carlo dans laquelle on ne peut que remarquer un don Juan au vrai sens acquis du terme en la personne du baryton Erwin Schrott. On passe vite sur le chapitre voix et respect de la partition, car l’artiste n’en fait qu’à sa tête, mais il faut reconnaître que cela…fonctionne. En effet, on peut difficilement faire mieux côté aspect du personnage, pris au premier degré d’accord, mais d’un sex-appeal évident, dégageant une fascination certaine, imposant un étrange trouble tout au long de l’œuvre, un être habité sauvagement par le désir, un désir irrésistible qui semble s’adresser à toutes et tous, qui fera de Sonya Yoncheva, une proie en donna Elvira, tout comme Patrizia Ciofi en Donna Anna. Mais on pourrait y ajouter la jeune Loriana Castellano en Donna Zerlina, et pourquoi pas son valet, Adrian Sâmpetrean en Leporello. On note la présence de Maxim Mironov en Don Ottavio et ses deux airs superbement chantés, tenorino repéré en Lindoro dans cette immonde Italienne à Alger de Laura Scozzi au Capitole. Que du beau monde évoluant dans une mise en scène de Jean-Louis Grinda, le tout dirigé par Paolo Arrivabeni. Le savoir-faire conjugué des deux hommes aboutit à un résultat soigné, d’un esthétisme rehaussé par la beauté des costumes et celle du décor inspiré par les tableaux de Giorgio De Chirico.
Toujours en 2017, et ce, le 30 novembre, moins fréquemment à l’affiche en général, il faut donc en profiter, Les Brigands de Jacques Offenbach, une production de l’Opéra-Comique de Paris, réjouissante et bienvenue en ces temps délicats. Une distribution fournie qui évolue sur scène sous la baguette avisée de François-Xavier Roth, et dans une mise en scène pittoresque, et le mot est faible, du couple joyeusement infernal des Deschiens, j’ai nommé Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps. On a commenté de la sorte leur travail : « Plus que l’histoire elle-même (Falsacappa, chef des brigands, et ses hommes tentent de s’approprier l’argent de la dot de la Cour de Mantoue destinée à la princesse de Grenade), la musique d’Offenbach emporte tout sur son passage. Colorée, exotique (rythmes espagnols, les couplets fusant comme des feux d’artifice), elle met en valeur la parodie politique d’une société gangrenée où les banquiers deviennent des brigands, provoquant en permanence de contagieux éclats de rire. L’accumulation des gags opère telle une mécanique horlogère (on se souvient de la réussite récente de Jérôme Deschamps dans « La Puce à l’oreille » à la Comédie Française) dans des situations cocasses (ces carabiniers impayables qui arrivent toujours trop tard…). Les animaux présents en chair et en os sur la scène, des poules, un âne et même un basset, sont partie prenante du spectacle et rappellent les meilleurs moments de la Famille Deschiens.
De la direction de François-Xavier Roth à la tête de son Orchestre Les Siècles, on a pu lire, qu’elle était : « assez exemplairement calibrée entre exaltation dynamique, finesse parodique et sensualité nostalgique. » mais encore et de façon plus explicite : « Dans la fosse, François-Xavier Roth et son Orchestre « Les Siècles» animent avec verve, pétulance et authenticité (l’orchestre, comme du temps d’Offenbach, est tourné vers la scène), un cocktail d’humour, de bouffonnerie et de non-sens, rendant au « Mozart des Champs-Elysées » toutes ses lettres de noblesse. Un spectacle de troupe total qui prend toute son actualité en ces temps troublés. »
Il sera temps de vous causer dans une suite à cet article, du Macbeth qui vous attend avec Ludovic Tézier au Liceu de barcelone, suivi de l’Andrea Chenier de Jonas Kaufmann à Londres, ou encore la Charlotte de Joyce di Donato dans ce Werther de Londres.
Michel Grialou
Viva l’Opéra ! dans les cinémas UGC
La Traviata © Andrea Kremper
Boris Godounov © Anton Ginzburg
La Bohème © Geert Goiris courtesy Art Concept, Paris
Don Carlos © Ben Zank
Don Pasquale © Eredi Luigi Ghirri
Opera Manon © Antoni Bofill
Un Bal Masqué © Wilfried Hoesl
Don Giovanni © Wahoo
Les Brigands © Martin Fraudreau
Werther © Bill Cooper