S’il est un lieu culturel cher au cœur des Toulousains depuis plus de trois siècles à présent, c’est le Théâtre du Capitole. C’est dire combien la désignation de son Directeur apparaît aux mélomanes de la Ville rose comme un acte qui touche au sacré car il touche à l’identité même de leur cité. Jean-Luc Moudenc avait donc ce choix redoutable à faire en début d’année. Francis Grass, son adjoint à la Culture et cheville ouvrière de cette délicate opération, a bien voulu nous faire part du processus ayant conduit Christophe Ghristi à la tête de cette vénérable institution.
Quel est le statut administratif du Directeur du Théâtre du Capitole ?
Depuis le début 2016, l’Orchestre et le Théâtre du Capitole, qui inclut le Ballet, et le Chœur, sont rattachés directement à Toulouse Métropole. C’est pourquoi le Directeur artistique du Théâtre du Capitole est un salarié de Toulouse Métropole, tout comme Tugan Sokhiev pour l’Orchestre, ainsi que Kader Belarbi pour le Ballet et Alfonso Caiani pour le Chœur. Toute cette structure est placée sous l’autorité d’un Administrateur général, Janine Macca.
Quel est le processus de recrutement d’un directeur d’opéra quand on sait que dans ce cas très précis les saisons se préparent très en amont ?
Dès que nous avons appris la démission de Frédéric Chambert, nous avons aussitôt nommé un directeur intérimaire, Jean-Jacques Groleau, dramaturge au Théâtre du Capitole, afin de pouvoir gérer la saison 2016/2017 et préparer la saison suivante, en grande partie déjà ébauchée. Je tiens à souligner la compétence et l’investissement personnel de Jean-Jacques Groleau pour assurer cet intérim. Nous lui devons clairement des remerciements pour le travail accompli, qu’il continue d’ailleurs en ce moment. Cela nous a permis de prendre le temps d’un recrutement sérieux, sans pression. C’est en effet un recrutement important, qui nécessite de trouver un profil très spécifique. Nous avons donc lancé un appel à candidature. Parmi la vingtaine de CV reçus, nous avons procédé à une présélection de six candidats. Ils ont eu un mois et demi pour rédiger un projet écrit. Sur cette base, un jury d’élus métropolitains les a auditionnés, puis fait des recommandations à Jean-Luc Moudenc, Président de Toulouse Métropole, qui a tranché en dernier ressort pour Christophe Ghristi.
Quel était le cahier des charges que contenait cet appel à candidature ?
Simple dans son principe, il comprend plusieurs volets. D’abord la capacité artistique à concevoir les saisons, choisir les œuvres, les metteurs en scène, les distributions, les chefs. C’est le cœur de la compétence. Bien sûr ensuite la capacité de gérer les publics, les budgets dans un cadre contraint. Enfin la capacité relationnelle indispensable au fonctionnement d’une maison de 400 personnes et accueillant de nombreux artistes. Le cahier des charges demandait une expérience confirmée car le Théâtre du Capitole est une maison réputée à Toulouse, en France et au-delà de nos frontières.
Le choix s’est ensuite fait sur la base du projet proposé par les candidats, et qui leur a demandé un travail de réflexion important.
Pourquoi le projet de Christophe Ghristi a retenu votre attention ?
Il y a eu des débats au sein du jury car nous n’avions que des candidats de valeur. Les points forts de sa candidature ont été tout d’abord son expérience, acquise ici au Théâtre du Capitole en tant que dramaturge puis à l’Opéra de Paris où il était responsable de la dramaturgie et de la programmation de l’Amphithéâtre Bastille. Ensuite, en termes de projets, ses propositions ont été très précises et au-delà de simples intentions. Bien sûr tous les candidats nous ont parlé de chanteurs, de programmes, de mécénat, de public, de numérique, etc. Mais c’est Christophe Ghristi qui, dans ces domaines, a le plus argumenté. Enfin nous avons cherché à évaluer chez chaque candidat son aptitude à manager cette grande maison, sous l’égide d’un Administrateur général. Christophe Ghristi nous a démontré qu’il avait cette capacité d’être l’interface que nous souhaitons avec les personnels, les artistes et l’Administration.
Le Théâtre du Capitole est une maison qui fonctionne bien mais, malgré tout, quels vont être les principaux défis du nouveau directeur ?
Oui, vous avez raison de le souligner, notre maison d’opéra à Toulouse se porte bien. Le premier défi va être celui de conquérir des publics nouveaux tout en conservant précieusement le public actuel car c’est le fondement du Théâtre. C’est un challenge permanent. Le second est de réinventer ce métier dans le cadre d’une économie contrainte, sans doute encore pendant quelques années. Une réflexion devra être menée en terme de communication et de billetterie. Le numérique peut apporter de nouvelles dimensions, même s’il n’est pas la solution à tout, les habitudes évoluant progressivement. C’est comme dans les répertoires dans lesquels il faut concilier tradition et innovation.
Pour terminer, si vous me permettez, j’observe l’offre somptueuse qui est faite en matière d’opéra au plus grand nombre et à des prix imbattables au travers des retransmissions de spectacles en provenance des plus grandes scènes du monde dans les circuits cinématographiques. Cela peut inquiéter certains, mais en fait c’est extrêmement stimulant car cela veut dire que le spectacle vivant, en chair et os, si je puis dire, doit bel et bien exister. Il nous appartient donc de le faire vivre. Mais si l’on parle d’élargir les publics, pourquoi ne pas réfléchir à de nouveaux modes de diffusion, pourquoi pas un jour en direct au cinéma. Il faut être ouvert et imaginatif pour toucher des publics encore éloignés de l’opéra.
Je pense que le choix de Christophe Ghristi fait à présent consensus. Il prendra ses fonctions le 1er septembre, mais est déjà au travail. Il nous appartiendra alors de tous nous retrousser les manches, pour lui souhaiter la bienvenue et l’aider à écrire un nouveau chapitre de notre cher Capitole.
Propos recueillis par Robert Pénavayre le 19 avril 2017