Avec Danny Trejo, Jessica Alba, Michelle Rodriguez, Steven Seagal, Don Johnson, Robert De Niro, Lindsay Lohan, Cheech Marin.
Un politicien véreux, associé à un flic pourri et raciste et un riche homme d’affaires nourrissant des pensées impures pour sa propre fille nymphomane et camée, ourdit une combine pour se faire réélire. Mais l’un des comploteurs, à la recherche d’un travailleur latino à gruger, jette son dévolu sur le mauvais mexicain : un ancien agent fédéral adepte de la machette et à la rancune tenace. Il suffirait qu’accompagné d’une révolutionnaire justicière de l’ombre, d’une fliquette sexy, d’un padre adepte des fusils à pompe, et d’infirmières en mini-blouse, celui-ci se décide à « sortir la poubelle », pour que la petite ville du Texas ne s’embrase.
Le film « Machete » trouve son origine il y a quelques années, Rodriguez nourrissant depuis toujours l’envie de faire tourner son cousin Danny Trejo, jusque là habitué aux rôles de bad guys (en raison d’un faciès bien buriné), voulait lui donner un vrai premier rôle, avec scènes d’amour en prime. Lorsque le projet « Grindhouse » avec son frère de cinéma Tarantino a commencé à voir le jour, il a fallu créer des fausses bandes-annonces à intercaler entre les deux films du double-programme : le réalisateur de « Desperado » s’est débrouillé pour donner un début de corps à son projet, et « Machete » est donc le premier long-métrage issu de ces trailers. Du coup, on attend bien sûr de pied ferme le film « Les femmes loups-garous des SS » d’Eli Roth, la bave aux lèvres.
Mais revenons au plat de tacos. A 66 ans, Danny Trejo trouve enfin ici le rôle de sa vie, enfin, l’un des premiers rôles si des suites voient le jour (« Machete kills » et « Machete kills again », annoncés en fin de film). On ne lui demande pas une performance oscarisable non plus, mais son visage qui a bien vécu, son corps remarquablement conservé pour son âge, ses répliques en mono-phrases, et sa mine patibulaire (pas beaucoup de subtilité cependant) font mouche et sont amplement suffisants : pas besoin de réciter du Shakespeare pour découper les ordures à la machette. Par contre, pour ce qui est de faire passer des nuances de jeu, à part la grimace « je vais te tuer en descendant trois étages agrippé à tes intestins », le rictus « oh non, ils t’ont tué, hermano » ou la pseudo-face avenante « je suis le nouveau jardinier mais j’ai une machette »… rien d’autre à se mettre sous les yeux. Ce mexicain-là n’est pas commode et ça va découper. De son côté, question cabotinage, De Niro se complaît de plus en plus dans une caricature de lui-même.
On retrouve dans « Machete » tout ce qui fait le charme du cinéma de Rodriguez : goût pour les seconds rôles de latinos jouant comme des personnages cartoons, des fusils à pompe et armes blanches à foison, des minettes calientes, du sanguinolent bien second degré, et des répliques qui fusent : « Je suis très surpris par votre haute tolérance de l’échec », « Machete n’envoie pas de texto », « Pardon, mon père, ayez pitié ». -Dieu va te pardonner, je t’envoie le voir », « T’es la copine de Machete, je connais bien son type de fille. -C’est quoi son type ? -Les cadavres ». Les liasses de billets dans les malettes sont bien dégueus et froissés, le seppuku bien crade à l’arme blanche déchire plus que ne découpe, et les pourris sont des belles saloperies, dégommant de la femme enceinte en prenant la pose.
Mais on y retrouve aussi tous les travers du réalisateur texan : incapable de réaliser un vrai film en entier, il semble prendre un malin plaisir à dégoupiller tout ce que son talent met en place presque malgré lui. Alors que les idées de mise en scène sont loin d’être honteuses (la croix de lumière frappant les visages de ses protagonistes, des cascades plutôt correctes), Rodriguez torpille son film en nous interdisant de jubiler et nous sert une baston finale vraiment indigente. Le duel tant attendu entre Seagal et Trejo est aussi plat que l’expressivité du bibendum au sabre. Le réalisateur du « Mariachi », qui a toujours du mal à se défaire de son image de cousin honteux de son pote Quentin (s’en défera-t-il un jour, rien n’est moins sûr), donne encore l’impression de se brider lui-même. On attend encore un vrai grand moment de cinéma de sa part, une séquence qui nous donne foi en lui, plus que des belles pépettes et des gunfights de bandeurs mous. Pour l’instant, si on excepte « Sin City » qui est une décalque de l’univers de Miller, réalisée à quatre mains par les deux hommes, son meilleur film reste « Une nuit en enfer », écrit et interprété par Tarantino, vrai grand film de vampires/psychopathes et ultra-jouissif.
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