À Blagnac, le Ballet Yacobson de Saint-Pétersbourg danse à Odyssud « la Belle au bois dormant », chorégraphiée sur la musique de Tchaïkovski par Jean-Guillaume Bart, d’après la version de Marius Petipa.
Le Français Marius Petipa est engagé comme premier danseur à Saint-Pétersbourg en 1847, et restera au service du Ballet impérial russe jusqu’à sa retraite, en 1904. Il s’y produit jusqu’en 1868, devenant maître de ballet en titre en 1869, et enseignant à l’école de danse qu’il dirige jusqu’en 1887. Signant une soixantaine de ballets et les danses d’une trentaine d’opéras, c’est en tant que chorégraphe qu’il donne le meilleur. Outre les œuvres originales, il reprend le répertoire qui disparaît alors de l’affiche du reste de l’Europe. Il adapte ainsi au goût pétersbourgeois et à l’évolution de la technique les ballets de Dauberval, Perrot et Saint-Léon.
Surtout, il monte plusieurs versions de « Giselle » en lui donnant la structure qu’on lui connaît aujourd’hui. Il crée une majorité de ballets à thème fantastique (« Casse-Noisette », « Le Lac des cygnes », etc.), s’inspirant notamment des contes de Charles Perrault pour « la Belle au bois dormant », « Cendrillon », « Barbe-Bleue », etc. Il travaille en établissant d’emblée un canevas précis de l’action et commande à ses compositeurs (Minkus, Tchaïkovski, etc.) une partition qui doit répondre à ses exigences stylistiques et musicales. Il développe le grand ballet en trois ou quatre actes. Diffusée hors de Russie après sa mort, son œuvre constitue à la fin du XXe siècle l’essentiel du répertoire de toute compagnie classique.
À Odyssud, les danseurs du Ballet Yacobson de Saint-Pétersbourg danseront « la Belle au bois dormant », deuxième collaboration de Piotr Ilitch Tchaïkovski avec Marius Petipa. Ballet en trois actes, un prologue et une apothéose, il a été présenté pour la première fois en 1890 au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg. Le livret de Petipa s’inspire du célèbre conte de Perrault et des frères Grimm. Le chorégraphe y fait alterner des variations brillantes et de grands ensembles sur une musique qu’il a littéralement «dictée» au compositeur. Il s’agit d’un hommage à la France de l’Ancien Régime, mais aussi à la Russie tsariste et à la société pétersbourgeoise. Jamais le génie de Marius Petipa n’a été mis autant en valeur que dans ce véritable feu d’artifice chorégraphique où chaque numéro de danse est ciselé avec une précision extrême. Art chorégraphique et composition musicale se font écrin l’un pour l’autre dans un dialogue où la musique n’accompagne plus la danse : elle l’exprime. De cette fusion des arts naît un «ballet-féérie» où s’entremêlent forces du bien et du mal, rêve et réalité.
Danseur étoile de l’Opéra national de Paris, Jean-Guillaume Bart reprend la chorégraphie originale pour offrir une version étincelante du «Ballet des ballets», comme le qualifiait Rudolf Noureev. Après de longues recherches, il lui «est apparu que « la Belle au bois dormant » avait subi de nombreux changements au fil des décennies. Il suffit de voir les récentes tentatives de reconstitution pour s’apercevoir qu’il ne reste que fort peu de choses de la chorégraphie originale de Marius Petipa. Les attentes du public, la technique classique et le corps des danseurs, tout cela a beaucoup changé. Il m’apparaît donc important de “réactualiser” régulièrement ces œuvres du passé, afin de leur donner une légitimité auprès d’un public qui n’est plus le même qu’il y a 125 ans», assure Jean-Guillaume Bart.
Selon lui, «un ballet est avant tout une histoire dansée, et non un prétexte à danser et/ou à faire briller les danseurs. Le geste classique, tels des vers ou des notes de musique, possède sa propre dynamique, sa propre expressivité et a vocation à véhiculer un message. Ne voyons-nous pas aujourd’hui un véritable travail dramaturgique dans le domaine du théâtre ou de l’opéra, notamment dans la direction d’acteurs? Pourquoi le ballet ne pourrait-il point en bénéficier ? J’ai imaginé un “pré-prologue” mettant en scène Carabosse et le Roi. Ce bref épisode a pour but de justifier le caractère maléfique de Carabosse et donner davantage de lisibilité et de cohérence à l’histoire elle-même. J’espère ainsi amener un rythme de narration plus soutenu, tout en respectant notre patrimoine chorégraphique, brillamment défendu ici par les danseurs du Ballet Yacobson de Saint-Pétersbourg». La version de Jean-Guillaume Bart a été créée à l’automne dernier par la compagnie russe.
Conçu comme la première compagnie de ballet détachée d’un opéra, le Ballet Yacobson de Saint-Pétersbourg fut créé en 1969 par Leonid Yacobson, chorégraphe majeur du XXe siècle. La troupe reçoit alors le titre de «Compagnie miniature», conformément à la forme de ballet développée par son créateur. Cette formation permet un large champ d’expérimentations et la recherche de nouvelles formes chorégraphiques. C’est ainsi que les séries de miniatures dédiées aux sculptures d’Auguste Rodin sur la musique de Debussy deviennent très vite la marque de fabrique du chorégraphe et de sa compagnie. Durant ses sept ans à la direction artistique, Leonid Yacobson a créé des ballets tels que « Shurale », « Spartacus », « The Bedbug » et « The Land of Miracles ». De célèbres danseurs ont travaillés avec lui, notamment Mikhail Barishnikov.
Après le décès de Leonid Yacobson, son ami et danseur favori, Askold Makarov, lui succède en 1976. Sous sa direction, plus de vingt chorégraphes russes et étrangers travaillent avec la troupe : Georgy Aleksidze, Leonid Lebedev, Ditmar Zeiffert, Ann Hutchinson, etc. Ces années de travail avec différentes techniques et méthodes, toujours basées sur les fondements du ballet classique, permettent à la compagnie d’être connue internationalement. Le Yacobson Ballet compte aujourd’hui 75 danseurs, les solistes étant capables de combiner avec succès les interprétations précises des pièces classiques et l’expression fluide des rôles expérimentaux. Actuel directeur artistique, Andrian Fadeev porte une attention particulière au retour de l’héritage de Leonid Yacobson ainsi qu’à la parfaite exécution des pièces classiques telles que « le Lac des Cygnes », « Giselle », « Casse-Noisette », « Roméo et Juliette ».
Jérôme Gac
Du jeudi 5 au dimanche 8 janvier, à Odyssud,
4, avenue du Parc, Blagnac. Tél. 05 61 71 75 10.
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photo: « La Belle au bois dormant » © Yacobson Ballet