La semaine dernière, le TNT accueillait « Le Petit Chaperon rouge » de Joël Pommerat : une délicieuse relecture du conte de Charles Perrault pour les petits et les grands.
Il était une fois une petite fille qui n’avait pas le droit de sortir toute seule de chez elle. Elle s’ennuyait car elle n’avait ni frère ni sœur, seulement sa maman mais sa maman n’avait jamais le temps. Après « Ça ira (fin de Louis) », fresque puissante sur les fondements de la démocratie qui nous immergeait la saison passée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, Joël Pommerat était de retour au TNT avec un tout autre genre de théâtre « Le Petit Chaperon rouge ». La pièce qui s’adresse aussi bien au jeune public qu’à l’adulte et l’enfant qui est en lui, a été créée en 2004 et ne cesse de tourner depuis. Et l’on comprend pourquoi ! Ce petit bijou de 45 minutes porté par trois excellents comédiens, est comme toujours chez Pommerat d’une grande simplicité et élégance esthétiques et d’une intelligence remarquable.
Joël Pommerat dépoussière le conte de Perrault et actualise son écriture ; ainsi « le petit chaperon rouge » est devenu « la petite fille », le pot de confiture et la galette ont été troqués contre un flan, et exit le fameux et énigmatique « tire la chevillette et la bobinette cherra » ! Mais la trame reste la même : une enfant se rend chez sa grand-mère à pied et en traversant la forêt, rencontre sur son chemin le loup. À partir d’un contexte réaliste : la solitude d’une petite fille dont le père est absent, la mère ultra occupée (à quoi ? Nul ne le saura…) et la grand-mère vieillissante et grabataire, le metteur en scène offre un nouvel éclairage du mythe, faisant émerger différents questionnements existentiels qui parleront aux uns et aux autres, selon sa sensibilité, son âge et son vécu. « Le Petit Chaperon rouge » amène le spectateur à se confronter délicieusement à des émotions ambivalentes. La peur bien sûr : celle liée au danger du monde extérieur, celle de l’entrée dans l’âge adulte et donc celle du temps qui passe et voit la mère devenir grand-mère et la petite fille devenir femme, nous ramenant à notre propre condition… Mais la peur est toujours intimement liée au désir. Ce désir qui incite la petite fille à demander sans cesse à sa mère de lui faire peur, de lui jouer le monstre, la bête, et qui la fera plus tard rejoindre la vraie bête – le loup – dans le lit de la grand-mère.
Désir, fascination, peur, sont autant de sentiments écrits sur le plateau par une bande sonore évocatrice, des micros HF rendant les voix à la fois proches et irréelles et un travail des lumières sublime tout en ombres et projections. Ces instants de frissons sont contrebalancés par un humour salvateur grâce à la présence d’un narrateur hiératique à l’interprétation détachée et qui, à la faveur de la pénombre, se métamorphose en loup à la grosse voix ridicule, lorsqu’il tente de se faire passer pour la petite fille. À cette puissance comique qui déclenche des rires enfantins dans la salle, se superpose délicatement un humour noir auquel seront plus sensibles les adultes. Drôle, poétique, envoûtant et angoissant, en 45 minutes, ce spectacle nous fait vivre toutes les émotions de la vie, dans un théâtre de mots, d’images et de sons : un pur régal… hélas trop court !
Sarah Authesserre
une chronique de Radio Radio
« Le Petit Chaperon rouge » du mardi 13 au samedi 17 décembre, au TNT, 1, rue Pierre-Baudis, Toulouse. Tel : 05 34 45 05 05