L’Espace Croix-Baragnon est actuellement en répétition pour nous offrir, du 03 Novembre au 10 Décembre 2016, un voyage vers l’infini, dans un univers particulier et remarquable : l’art répétitif. Dans la lignée de ce que Roman Opalka réalisa entre 1965 et 2011, année de son décès, cet art est avant tout une réalisation physique et spirituelle, où la mise en œuvre est aussi importante que l’œuvre elle-même. Cette exposition fut donc pour les deux artistes représentés, Marine Bourgeois et Michel Déjean, l’occasion de partager cet état de méditation ; pour nous l’occasion de nous plonger dans un univers parfois méconnu.
À première vue, une œuvre répétitive pourrait décontenancer plus d’un spectateur non-averti, tant l’œuvre est abstraite, mystique aussi. En effet, toute l’importance de cet art réside dans le processus de production ; et l’attention n’est alors plus focalisée sur l’œuvre tangible. C’est ce que nous explique Michel Déjean :
« La trace répétitive sur une toile est un exercice en temps réel. »
Alors, les formes fixes qui s’étalent sur la toile sont le reflet d’un espace, d’une temporalité que les artistes veulent reproduire. Chaque trace est le reflet de l’invisible, d’un « au-delà » que le spectateur doit ressentir, en faisant appel à ses yeux, mais aussi à son instinct. De là, il sera capable de ressentir l’état de méditation que l’artiste a développé lors de la mise en couleur, de la mise en ancre ; comme nous le dit Marine Bourgeois :
« Chaque trait : une chance pour se (re)poser dans l’instant, l’espace, la lumière, le corps. »
Il s’agit donc d’une exposition de l’esprit que nous propose l’Espace Croix-Baragnon, un exercice de la pensée aussi. Par ailleurs, ils apportent ici la preuve que cette forme d’art est encore ancrée dans le présent, malgré la disparition de leur chef de file ; et que Roman Opalka a déjà trouvé sa succession.
Marine Bourgeois est née à Toulouse, où elle vit encore aujourd’hui. Elle plonge son inspiration dans le tracé à l’encre, donnant à ses œuvres une dimension de profondeur intime. Elle considère par ailleurs ses œuvres comme un ensemble insécable, bien que Tandem 19 ne permette aux visiteurs que d’admirer un extrait de l’œuvre à l’encre de Marine Bourgeois. Comme Roman Opalka lui-même, elle considère sa peinture comme un projet de vie, qui s’allongera au gré des œuvres, au gré des tracés surtout qui forment à eux-seuls le point central de son art :
« Dans cette pratique, ayant élagué tout ce qui me semble anecdotique ou partiel, seul le geste du tracé, vissé à l’expérience de l’être, ne m’apparaît pas aléatoire. »
C’est ainsi que Marine Bourgeois conçoit son propre geste, qu’elle organise durant des séances quotidiennes vouées au silence et à l’apaisement. L’apaisement, voilà sans doute ce qui la relie au deuxième artiste à l’honneur.
Michel Déjean est lui aussi né ici, bien qu’il demeure maintenant près de Strasbourg. Lui aussi, à sa manière, se pose en esprit méditant lors de ses créations, et témoigne même que :
« La pause permet l’aventure de l’exploration de l’esprit »
Sacrifiant les traits pour des formes plus « complexes » bien qu’épurées, à l’instar du rond ou du carré, il se base principalement sur de la peinture, ce qui lui permet, a contratio de Marine Bourgeois, de mettre un peu de couleurs dans ses œuvres, bien que cela reste discret et silencieux.
L’exposition, au-delà de ces deux artistes, permettra aussi la découverte d’œuvres plus diverses, faisant partie de la collection personnelle de Michel Déjean ou encore du Centre Pompidou.
À ce sujet, Elodie Sourrouil, co-conseillère artistique à l’Espace Croix-Baragnon, s’explique :
« Marine Bourgeois et Michel Déjean oeuvrent dans le champ de la peinture sérielle et répétitive, nous avons pensé intéressant, pour le public toulousain, d’asseoir cette pratique sur des références historiques.
Nous avons fait confiance à Michel Déjean pour le choix des pièces issues de sa collection. Sa proximité physique avec les œuvres en fait le meilleur connaisseur. Concernant celles prêtées par le Centre Pompidou, nous avons pris le parti de nous concentrer sur Pierrette Bloch et Roman Opalka, à l’origine de ce mouvement. »
Alliant donc pièces de références et œuvres novatrices, Croix-Baragnon donne à se confronter à l’évolution de ce mouvement sériel, permettant ainsi une comparaison que le nombre très faible d’expositions concernant cette mouvance ne permettait pas auparavant:
« C’est la première fois que nous présentons une exposition autour de l’art sériel. Le Ciam La Fabrique a organisé une rétrospective de Roman Opalka en 2012, assortie de colloques. Il s’agit de l’unique événement important dédié à cette mouvance formelle sur le territoire, d’où l’envie pour CXB d’y consacrer une exposition où les artistes locaux sont associés à des figures fondatrices. »
Le Rendez-vous est donné donc, et cela à partir du 03 Novembre. Notons enfin qu’en complément, Jérôme Carrié, chef de projet au Ciam, donnera une conversation publique au sujet d’Opalka le Mercredi 16 Novembre à 18h30, à la galerie de l’Espace Croix-Baragnon.
David Vacher
Tandem 19
du 03 novembre au 10 décembre 2016
Espace Croix-Baragnon