Compte rendu concerts. 37 iéme édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 15 septembre 2016 ; Johann Sebastian Bach ; Robert Schumann ; Ludwig Van Beethoven. Nelson Goerner, piano.
Nelson Goerner fait partie des musiciens d’exception. Originaire d’Argentine il est chez lui dans le monde entier. Son talent très tôt repéré et encouragé par Martha Argerich s’est développé magnifiquement et sa carrière internationale est fascinante.
Cet artiste aux moyens considérables a choisi pour son récital au Cloître des Jacobins un programme construit vers une apothéose.
Les variations sur un air italien de Bach représentent une sorte de pâtisserie très décorée avec une virtuosité aérienne à la limite de la déstructuration. Nelson Goerner en a offert une interprétation mesurée et maitrisée détaillant chaque petite note avec gourmandise. Comme un long fleuve tranquille sans contraste et avec très peu de nuance. Tout a passé comme un rêve calme et apaisé.
Puis les Davidsbündertänze de Schumann ont été absolument incroyables d’intensité musicale. La diversité que cette suite de pièces contient est sidérante. Nelson Goerner a plongé, et nous a entrainé, dans cet univers foisonnant ou joie, excitation, douleur, presque-folie ou paix s’enchainent sans trêve. De toute évidence, les mimiques très expressives de Nelson Goerner nous prouvent avec quelle intensité il vit complètement cette partition. Avec des moyens d’une puissance émotionnelle rare il nous a saisi. Que de couleurs, de nuances, de puissance ou de délicatesse sous ces dix doigts ! Un voyage inoubliable, sans pouvoir reprendre jamais notre souffle, dans l’univers Schumanien si fascinant des Davidsbündertänze.
En deuxième partie de programme Nelson Goerner s’est attaqué à la sonate Hammerklavier de Beethoven que certains nomment « l’Himalaya du piano » : et j’ai bien l’impression que notre artiste a pris cette indication à la lettre !
Engagé, volontaire, presque halluciné par instants on ne peut imaginer piano plus expressif, tirant toutes les possibilités en termes de variété de toucher, couleurs ou nuances du piano. Beethoven dans cet opus sort grandi, statufié en inaccessible génie. Ainsi il aurait dans sa surdité réelle et son oreille visionnaire perçu toutes les possibilités du piano contemporain. C’est à cet extrême là que je me heurte. Si Beethoven sonne ainsi, peut on imaginer un au delà ? Cette puissance sonore à la limite de l’agression pour des oreilles sensibles est peut être excessive. Mais le troisième mouvement d’une délicatesse à mourir de beauté est si incroyable… Si métaphysiquement accompli… Le final hallucinant de fermeté, de structure sublimée et de force digitale surhumaine est a peine soutenable. Nous sommes loin très loin de ce qui se propose en terme de poésie et de subtilité dans les « version renseignées » sur pianoforte. Nelson Goerner dans la plénitude de ses moyens phénoménaux a proposé une version insurpassable de puissance de l’opus 106. Cette interprétation me fait d’avantage penser à une œuvre shakespearienne baroque et excessive qu’à une oeuvre d’un compositeur classique ouvrant la voie au romantisme.
En bis Nelson Goerner nous a offert un Nocturne de Chopin poétique et délicat nous rappelant quel artiste sensible il sait être. Mais pour terminer il nous a asséné le coup de grâce par une puissance quasi orgiaque dans une étude du russe Felix Blumenfeld pour la seule main gauche.
Hubert Stoecklin
Article écrit pour Classiquenews.com
Compte rendu concerts. 37 iéme édition de Piano aux Jacobins ; Toulouse ; Cloître des Jacobins ; Le 15 septembre 2016 ; Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Air varié dans le style italien BWV.989; Robert Schumann (1810-1856) : Davidsbündertänze, Op.6 ; ; Ludwig Van Beethoven (1770- 1827) : Sonate pour piano n°29 en si bémol majeur, « Hammerklavier » Op.106 . Nelson Goerner, piano.