Florence Foster Jenkins (1868-1944) fut au début du siècle précédent une drôle de célébrité. Drôle car cette Américaine, millionnaire par héritage, était non seulement un mécène plus qu’entouré tant ses largesses étaient sans fin, mais également une « cantatrice ». Les guillemets s’imposent cependant quant à cette appellation. En effet, certainement un rien fragile psychologiquement, Florence, passionnée d’opéra, rêva toute sa vie qu’elle était bel et bien une cantatrice. Certes, elle prit quelques cours, mais, rien à faire, l’organe, comme disent les professionnels du chant, n’était pas là.
Sauf que, pour ne pas passer à côté de ses largesses financières, autant son compagnon, l’acteur britannique Saint Clair, un brin raté lui aussi, ainsi que ses nombreux amis, et ils étaient vraiment nombreux (!), lui firent croire jusqu’au bout qu’elle avait la plus belle voix du monde. Organisant des concerts privés, Florence, accompagnée par le pianiste Cosmé McMoon, apparaissait sur scène dans des costumes improbables qu’elle dessinait elle-même. Puis vint le soir fatidique au cours duquel elle accomplit son rêve fou : chanter au Carnegie Hall. Problème, le concert était public et la presse y fut donc invitée. Si Saint Clair réussit plus ou moins à force de poignées de dollars à circonvenir quelques journalistes, celui du Post trancha dans le vif. Ce fut pour Florence la fin des illusions. Elle avait alors 76 ans. Elle s’éteignit à son domicile un mois après. Cette histoire vous rappelle quelque chose ? Normal, c’est le pitch du dernier film de Xavier Giannoli : Marguerite.
Ici, et même si la vie de Florence, aussi romanesque soit-elle, n’est pas très documentée à ce jour, le regard de Stephen Frears nous apparaît plus juste malgré tout, plus sombre, plus pathétique. La reconstitution du New York de 1944, ses rues, ses véhicules, ses costumes, son ambiance, est saisissante. Meryl Streep dût apprendre…à chanter faux, ce qui n’est pas un exercice facile. Elle compose avec une profondeur de jeu extraordinaire une Florence d’une touchante humanité, candide, naïve, déterminée aussi. A ses côtés, Hugh Grant, pour son véritable retour à l’écran, trace un portrait de Saint Clair particulièrement émouvant. Une interprétation suprêmement élégante et de grande classe. Il ne faudrait pas oublier le pianiste, Cosmé McMoon, superbement joué, à tous les sens du terme, par un inénarrable Simon Helberg. Un très beau film, pour le moins.
Robert Pénavayre
Florence Foster Jenkins
Réalisation : Stephen Frears
Avec : Meryl Streep, Hugh Grant, Simon Helberg, etc.
Durée : 1h50
Genre : Comédie dramatique
Meryl Streep – L’ado qui voulait être cantatrice
Au crépuscule de ses soixante ans, Meryl Streep est certainement l’actrice de cinéma la plus « capée » du 7ème art. Imaginez son corpus : 70 films couronnés par plus de vingt prix, dont des Oscars et autres récompenses prestigieuses ! Et c’est vrai que toute jeune elle voulait être chanteuse d’opéra. Puis finalement le théâtre s’est emparé de ce talent naissant. Le cinéma était alors en embuscade et très vite lui a fait les yeux doux. On connaît la suite. De la comédie romantique (Out of Africa, Sur la route de Madison, etc.) à la comédie tout court (Le Diable s’habille en Prada) en passant par la comédie musicale (Mamma mia), Meryl Streep a abordé tous les genres. Cela dit, même si sa vie professionnelle est intense, elle garde toujours une place, et non la moindre, pour son jardin secret : son mari et ses quatre enfants. Une grande dame, incontestablement.