Plutôt qu’Un Requiem Allemand j’aurais dû le titrer « Requiem humain » dira Brahms en précisant ainsi tout le sens universel.
Ein deutsches Requiem, ce sera à l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines à Toulouse, le samedi 16 juillet et le dimanche 17 juillet à 20h 30. Sous la direction musicale du chef allemand Werner Pfaff, cent choristes environ interprèteront cet oratorio, avec deux jeunes solistes talentueux, Sonia Menen, soprano, et Julien Véronèse, baryton, tous accompagnés par deux pianos, ceux de Virginie Bretagne et Yann Kerninon.
Eurochorus (Rencontre Internationale d’Art Choral) est une association loi 1901 reconnue «organisme d’intérêt général ayant un caractère culturel». Depuis 2005, Eurochorus rassemble, chaque année, au mois de juillet des passionnés de l’art choral autour d’un projet musical qui s’est élaboré et étoffé, au fil des ans. Alternant musiques baroques, romantiques, contemporaines, suivant les choix annuels, proposant des pièces a cappella ou, au contraire, avec orchestre, chaque session nous fait découvrir une pièce maîtresse du grand répertoire choral.
Les objectifs d’une telle association ? Ils sont ambitieux : faire se rencontrer des amateurs et des professionnels, immerger un grand groupe de chanteurs dans les œuvres choisies, servir ce groupe grâce à des équipes musicales performantes, originales et innovantes et, enfin, proposer des exécutions en concert réunissant des solistes et des orchestres de qualité, dans des lieux permettant la mise en valeur du répertoire.
Cent chanteurs venant de toute la France et de plusieurs pays d’Europe, ont répondu à notre appel. Pendant dix jours, du 8 au 17 juillet, ils vont s’atteler à une tâche à la fois merveilleuse et très périlleuse : donner forme, sous la conduite d’une équipe musicale professionnelle et aguerrie, à cette œuvre poignante et grandiose. Ils sont encadrés par trois professeurs de chant, Nathalie Accault (Toulouse), Elsa Goujon-Grégori (Lyon), Antonio Guirao (Toulouse), et un pianiste accompagnateur : Virginie Bretagne (Toulouse).
Direction musicale : Werner Pfaff (Allemagne)
C’est sa seconde participation à Eurochorus. Il dirige professionnellement des chœurs à Karlsruhe, Offenburg et Strasbourg. Après avoir enseigné dans les Musikhochschule de Francfort et Weimar, il travaille désormais à une échelle internationale, en tant que chef invité, formateur ou membre de jury dans des concours de chant choral.
Sonia Menen, soprano : Diplômée du Conservatoire à Rayonnement Régional de Toulouse, formée auprès des plus grands : Rie Hamada, Leontina Vaduva, Gabriel Bacquier, Jean- Marc Bouget, Florian Laconi… Elle poursuit actuellement son apprentissage du chant lyrique auprès de Claudine Ducret. En juillet 2013, elle intègre le chœur de chambre A Canto Aperto. Elle a récemment obtenu le 2ème prix catégorie opérette au Concours International de Chant de Marmande (France – Aout 2013) ainsi que le prix jeune espoir au concours UPMCF 2012.
Julien Véronèse, baryton : un des barytons français les plus prometteurs de sa génération. Né en 1982 à Montauban, il étudie le chant au conservatoire de Toulouse où il obtient son prix mention très bien à l’unanimité. En 2007 il est admis au CNIPAL (Centre National d’Insertion Professionnelle d’Art Lyrique) à Marseille où il poursuit sa formation. Il est lauréat de plusieurs concours internationaux : Marmande, Béziers, Toulouse… En 2011 il est sélectionné au concours Operalia de Placido Domingo à Moscou et en 2012 il est nominé aux Victoires de la musique classique, catégorie révélation lyrique. Au cours des saisons de 2013 à 2015 il participe à plusieurs enregistrements et de nombreux concerts.
Le Requiem de J. Brahms a été composé non sur des paroles latines, mais sur des paroles allemandes, d’où son nom de Requiem allemand.
Achevé en 1868, il est le fruit d’une longue période de maturation commencée en 1857. Alors que le Requiem latin est une prière pour la paix des défunts que menacent les terreurs du Jugement Dernier, les paroles choisies par Brahms, dans les versets de la traduction de la Bible par Martin Luther, sont destinées aux vivants : la fin de l’existence terrestre, loin d’être redoutée, apporte la paix et la délivrance de toutes peines et soucis. Son œuvre s’adresse à l’humanité entière.
Par suite du choix fait par Brahms, dans les Saintes Écritures, d’épisodes se rapportant à la Vie, la Mort et l’Éternité, il a été forcément amené à faire passer à travers cette composition semi-religieuse un souffle romantique et printanier, évoquant le souvenir de ses plus beaux lieder. A côté de pensées empreintes de tristesse s’épanouissent des hymnes d’espérance, de triomphe. Brahms a tiré le plus heureux parti de ces contrastes.
Brahms n’a rien à voir avec cette Mort Baroque et superbe contre laquelle lutte l’homme dans sa terreur sacrée du jugement. La mort ne vient pas, elle est déjà là, tapie en nous, c’est elle qui « ose soudain rire en nous quand nous nous croyons au milieu de la vie » (Rainer Maria Rilke). Dans cette conception, il n’y a pas de combat, de fuite dans l’amour – et Brahms n’était pas porté vers l’amour mais vers la charité -, aussi la mort devient quasiment douce et fraternelle et l’angoisse ne peut se résoudre que dans une sorte de consolation maternelle comme une voix de soprano séchant toutes les larmes et apaisant l’enfant affolé que nous ne cessons d’être.
« Comme un homme que console sa mère ainsi je vous consolerai »
Cet extrait du texte du cinquième mouvement pourrait définir l’esprit tout entier voulu par Brahms dans son Requiem Allemand. « On n’écrit véritablement qu’entre cicatrices et sanglots » dit Jean-Michel Maulpoix et ainsi a dû composer le plus souvent Johannes Brahms, La mort est d’ailleurs une compagne familière pour Brahms et elle serpente en toute liberté dans son œuvre faisant quasiment partie du paysage, immuable et proche. « La mort, c’est la fraîche nuit. La vie, c’est le jour accablant » (Heinrich Heine), et ceci depuis les premiers lieder jusqu’aux chants ultimes des quatre chants sérieux écrits dans l’urgence noire des textes de l’Ecclésiaste près de vingt ans plus tard mais avec la même conviction solitaire. « J’ai estimé les morts qui sont morts plus heureux que les vivants qui sont encore en vie».
Avant d’oser affronter les profondeurs du Requiem et ses propres abîmes, Brahms s’était longuement préparé, il sait manier les masses chorales car il a assuré le poste de chef des chœurs aussi bien à Dortmund dès l’âge de 24 ans qu’à Hambourg et bientôt à Vienne. Il a composé pour ce type de formation plus d’une quarantaine de pièces. Psychologiquement, il est aussi prêt.
Très tôt, il aura assumé ce statut d’orphelin au monde avant que la double perte de Schumann et de sa mère l’ancre vraiment dans la chair de cet état.
Le Requiem est une œuvre grave au croisement des heures ultimes et c’est un jeune homme qui l’écrit. Qui aurait cru, à part ses proches, que ce jeune pianiste de trente ans avait le souffle et la spiritualité nécessaire pour affronter non seulement l’immensité de l’œuvre mais aussi incidemment toute l’histoire de la musique ? Timide oui, mais audacieux comme le disait Clara. La défiance de Brahms devant la vie ou du moins ses complications, le refus de s’attacher ailleurs qu’en amitié et sa vénération des choses simples, tout cela va se retrouver dans son regard sur le monde. Son rapport avec sa mère, être bon et fruste, plus âgée de dix-sept ans que son mari, sera celui du dévouement et de l’adoration.
Michel Grialou
Eurochorus 2016 : 10ème Rencontre internationale d’art Choral
Téléphone Eurochorus : 07 80 04 71 26
Un Requiem allemand
samedi 16 juillet et dimanche 17 juillet 2016 à 20h30
Saint-Pierre des Cuisines
10ème rencontre Internationale d’Art Choral
du 8 au 17 juillet 2016
—