Avec légèreté et intensité, entre rires et larmes, une réussite !
Pour son troisième long, Lucien Jean-Baptiste nous amène sur les traces de sa propre vie. Non, il ne s’agit pas d’un autobiopic, mais plutôt d’une fiction qui trouve ses racines dans son expérience privée. Nous rencontrons Dieumerci (c’est son nom) alors qu’il sort de prison. Rien de grave mais, tout de même. La quarantaine sonnée, ce divorcé qui a subi un traumatisme familial majeur dont nous apprendrons la teneur in fine, sauf à avoir été très attentif au début, veut assouvir un rêve : être comédien. Il prend contact avec un cours célèbre, le cours Ventura. Alors qu’il est là pour se renseigner, le voilà d’office mis en binôme avec un post ado d’une vingtaine d’années, Clément. Cette tête à claques fait croire à son père qu’il fait des études de droit pendant qu’il passe son temps et son argent à baguenauder avec plus ou moins de succès dans le fameux cours. Mais, qui dit cours dit concours. Dieumerci et Clément vont devoir collaborer afin de présenter le duo du balcon de …Roméo et Juliette. Viré de chez ses copines de passage, Clément va demander asile à son coéquipier, alors que ce dernier vit chichement de petits boulots d’intérim dans des chantiers pour se payer ses cours. Et quand on habite un hôtel sans étoile du côté de la Goutte d’Or, le quotidien n’est pas toujours facile… alors que la date du fameux concours arrive à grand pas.
Sur le principe du buddy movie, style L’emmerdeur, ce film, dans lequel nous croisons Olivier Sitruk, Firmine Richard, Michel Jonasz et Jean-François Balmer, nous propose un duo détonant opposant, c’est le terme, un homme brisé qui rêve à une étoile bien lointaine et un gamin des quartiers bourgeois encore en pleine adolescence. Ce duo, c’est le réalisateur lui-même qui s’est autodistribué, Lucien Jean-Baptiste, alias Dieumerci, et Baptiste Lecaplain (Clément). Sous son déguisement de comédie, le scénario, sans s’être dispensé de scènes vraiment comiques, emprunte des chemins plus étroits dans lesquels il est question de la négritude, de l’exploitation des minorités, du courage nécessaire pour se relever après un drame, de l’ambition raisonnée, de tolérance. Tout cela est subtilement dosé tant et si bien que l’on passe du rire aux larmes en gardant une profonde empathie pour ces deux loosers magnifiques. Même si le talent de Lucien Jean-Baptiste laisse loin derrière celui de Baptiste Lecaplain dont le jeu n’a malheureusement pas bougé d’un iota depuis Libre et assoupi (Benjamin Guedj, 2014). Un film frais, généreux, sincère, optimiste !
Robert Pénavayre
Tout récent diplômé en publicité, ce jeune martiniquais prend l’avion direction Paris. Dix ans après il abandonne le monde de l’événementiel pour s’inscrire aux célèbres Cours Florent. Acteur de doublage réclamé par les plus grands, Lucien passe par la case emplois secondaires à la télévision et au cinéma. Il doit attendre l’aube de sa cinquantaine, en 2012, pour accéder à la notoriété dans le thriller d’Eric Guirado, Possession. Auparavant, il aura réalisé son premier long en 2009 (La première étoile), puis un second en 2012 (30° couleur). Dieumerci ! est donc son troisième. Un quatrième n’est pas loin ! En se distribuant en tête d’affiche chaque fois, pour beaucoup de raisons certainement, il confirme bien au passage le proverbe qui prétend que l’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.