Le dernier opus que signe André Tubeuf est particulièrement bien venu car il remet sous les feux des projecteurs celui qui peut être considéré comme le plus grand violoniste allemand du siècle passé : Adolf Busch. Ce nom n’est pas étranger aux mélomanes car il est lié non seulement à Adolf, mais également à Fritz, son frère et éminent chef d’orchestre et aussi à ce fameux Quatuor Busch dont les quelques enregistrements, malgré leur ancienneté, font toujours référence.
Né Allemand en 1891, il mourra Américain en 1952 après un long exil que son refus catégorique de la période nazie lui a imposé. Bach, Beethoven, Brahms l’ont accompagné tout au long de sa vie, tout comme une extrême exigence musicale. Ce pur aryen, blond aux yeux bleus, cet artiste d’exception, Hitler se désespèrera ne pas pouvoir le faire revenir sur ses terres natales.
Mais comment en aurait-il été autrement alors qu’Adolf Busch déclarait à tous ceux qui voulaient l’entendre qu’il ne reviendrait en Allemagne que lorsqu’il verrait le Führer pendu entre Goebbels et Goering ! Concernant l’analyse musicale de ses interprétations, je me permets de vous conseiller la lecture de l’article que Serge Chauzy consacre à la magnifique réédition Warner.
Pour la découverte de cet artiste, de ce compositeur, de cet homme d’une incroyable rigueur morale, le livre d’André Tubeuf, avec cette prose si particulière que nous lui connaissons, est une précieuse introduction.
Subtilement découpé en 42 chapitres, il nous permet de faire connaissance avec ce personnage hors du commun que l’auteur du présent ouvrage surnomme Le premier des justes. Profondément admiré par Arturo Toscanini, le légendaire et volcanique chef d’orchestre, beau-père de Rudolf Serkin, Adolf Busch va subir, tout comme l’Allemagne et l’Italie en leurs âmes profondes, « la logique de fer » de la tyrannie. Et ce n’est pas l’un des moindres intérêts de ce livre que de nous faire vivre, presque au quotidien, la lutte de ce violoniste génial face à l’incompréhensible. Il se voulait le garant, le passeur d’une haute école musicale millénaire dont l’Allemagne pouvait alors se vanter d’être la terre nourricière. La mission qu’il s’était confiée tenait quasiment du sacerdoce et son départ vers les Etats Unis ressembla alors à la fuite de quelque cathare emportant le Saint Graal pour le mettre en lieu sûr. Un passionnant portrait humain. Un vibrant hommage à une figure tutélaire musicale.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse
« Adolf Busch, le premier des justes », par André Tubeuf – Actes Sud – 169 pages
NB : André Tubeuf souligne en fin d’ouvrage la « dette» qu’il doit à la monumentale biographie d’Adolf Busch écrite par Tully Potter, publiée chez Toccata Press en 2010, de 1408 pages, aujourd’hui en vente sur Amazon pour près de… 1500 € !