Il est accroc, il est addict, il est musicalement parlant déclaré dépendant. Aucun remède sur le marché. Aucun antidote. Et surtout pas Wagner !! Mozartophile, “à donf“. Comment ne pas vous faire profiter de ses humeurs, de ses goûts, de ses choix, en toute subjectivité. C’est affirmé, c’est instructif. Faites-en le meilleur usage …
Question : Quel serait le premier des grand opéras de Mozart ?
Arié Ohayon : Les musiciens et musicologues se sont accordés pour Idomeneo, lequel occupe depuis toujours une place privilégiée chez moi.
Mais … depuis longtemps aussi, la musique de Lucio Silla (K135) m’a tenu de très près. Beaucoup écoutée de nouveau ces derniers temps … alors Oui ! le premier des grands opéras mozartiens est son deuxième opéra seria !
Le premier seria, Mithridate (K87, 1770) : je ne l’aime pas (eh oui, il y a un Mozart qui ne me plait pas !).
Le troisième, Idomeneo (K366, 1781) brise tous les codes du seria, multipliant duos, trios, quatuors, quintette, et enchaînements de longs moments de récitatifs accompagnés ouvrant sur un solo puis s’élargissant aux chœurs, ce au-delà de toute règle en vigueur … incroyable, magnifique, peut-être à développer une prochaine fois..
Le quatrième, La Clemenza di Titus (K621, 1791), dernier des opéras de Mozart, à moins que ce ne soit Die Zauberflöte (K620, 1791), tout dépend des dates de composition et de représentation. La Clémence, « Una Porcheria Tedesca » s’était exclamée Marie-Louise d’Espagne, épouse de Léopold Roi de Bohème, après la représentation en son honneur. L’opéra avait été commandé par Prague pour les festivités de ses noces. Prague qui a toujours chéri Wolfgang, applaudi Cosi fon Tutte et Don Giovanni, verra Mozart échaudé par l’accueil princier fait à Titus, pourtant pur joyau, resserré, concentré alors qu’ Idomeneo s’étirait en une puissante homéride, et qui se trouvait libéré comme son opéra seria prédécesseur de toutes les conventions musicales. La Clémence, c’est aussi le premier seria connu presque par chœur avant Idomeneo … aussi pour une autre fois.
Revenons au deuxième, à Lucio Silla (K135, 1772). Mozart a 16 ans lorsqu’il le compose. Puissent les morceaux trouvés ici ou là vous le faire aimer (dans la chronologie du livret). Et pardonnez mon éloquence, c’est un peu de mon amour mozartien qui s’est exprimé ici.
Le premier air, Il Tenero Momento, Cecilio (Marianne Crebassa, Minkowski, Scalla de Milan). Quelle jeunesse, quelle vigueur, quelle perfection !
Le premier air de Giunia, Annick Massis, magnifique (je ne connais pas le chef, qui dirige bellement).
Le premier air de Lucio, majestueux (Stefano Ferrari, même production que précédemment, et quelle toujours quelle belle direction !) :
Le merveilleux Ah se il crudel Periglio, fait frémir :
le premier, Annick Massis :
et le second : Leila Cuberli, direction Cambreling dans la mise en scène de Chéreau aux Amandiers à Nanterre, et à la Monnaie de Bruxelles en 1985, le son sans les images) :
Le duo de Giunia et Cecilio (Minkowksi, Scala)
Frai pensier piu funesti (Giunia) par Sandrine Piau en version concert :
Pour les amateurs de Cecilia, de nouveau Il Tenero Momento ;
Et pour Chéreau et le décorateur Peduzzi, sa mise en scène d’anthologie (trop romantique, dix-neuvième – sombre – toujours Il Tenero Momento par Ann Muray (direction Cambreling)
suite !!!!!!
La relève mozartienne est assurée !
Et Mozart au-dessus de Tout !
Voyez, écoutez, et jugez !
Ici, pour Idomeneo (le second séria d’Amadeus, premier des grand opéras d’après nos musicologues du 20e siècle), Roger Norrington dirige la Camerata Salzburg en 2011.
Electre est interprétée par Anja Harteros.
– le premier air d’Electra, fille d’Agamemenon, Tuto Nel Cor Vi Sento (acte 1), sa colère face à la magnanimité d’Idamante envers les prisonniers troyens, et de son penchant découvert pour Ilia, prisonnière troyenne. Idamante est fils d’Idomeneo, roi de Crète, ayant participé à l’alliance grecque contre Troie.
– son dernier air, D’Oreste d’Ajace (acte 3), une chute (ou envolée) vers la folie face la fin de ces espérances, air qui, avec celui du 1er acte, n’est que le digne et simple précédent du Mi Tradi de Dona Elvira dans Don Giovanni, et des grandes héroïnes mozartienne :
Suivant l’ouverture de l’opéra, Ilia, captive troyenne ramenée en Crète après la chute de Troie, ouvre l’opéra avec le magnifique récitatif accompagné « Quanto avran fine ormai » et enchaîne l’aria « Padre, Germani » (Quand verrais-je la fin de mes cruelles épreuves … … O Mes Parents, Mes Ancêtres … ). Illia déjà amoureuse du grec Idamante, fils d’Idomeneo (« Grèce tu as vaincu, et j’aimerais un grec ? ») Ekaterina Siurina interprète Ilia.
Comment résister à joindre ici, le quatuor Andrò Rimango E Solo (troisième acte : Idamante, Ilia, Idomeneo, Electra), pure preuve de l’affranchissement du jeune Mozart aux règles du seria : ce quatuor suit le début du 3e acte ouvert par l’enchainement d’un air accompagné & aria (le planant Zefirreti d’Ilia), d’un duo Ilia-Idamante et du quatuor où « Personne ne peut trouver plus grande douleur » :
Et spécialement pour Déborah, la seule marche d’Idomeneo trouvée, tronquée, mais avec tout son intérêt dans l’enchainement de l’aria et de la marche orchestrale, laquelle marche est intercalée dans l’air d’Electra du deuxième acte « Idol mio – Soave zefiri ». Après avoir vu Barry Lindon de Kubrick, Déborah avait demandé (me souvient-il) Idomeneo pour Hanoukah à mes parents. Cette marche que Mozart reprendra dans le troisième acte des Nozze Di Figaro, au moment-même de la célébration du mariage de Suzanne et de Figaro ! et la Marcia reprise dans le Nozze (apparemment une superbe production du Glyndebourg Festival):
Enfin, mes enregistrements d’Idomeneo de référence :
– Harnoncourt, avec Richrd Ollweg (Idomeneo), Rachel Yakar, Felicity Palmer (Ilia), (Electra),
- Gardiner, avec Antony Rolfe Johnson (Idomeneo), Silvia Mc Nair (Ilia) et les incomparables Anne Sofie von Otter (Idamante) et IHillevi Martinpelto (Electra)