Un français est un long – métrage signé Diastème dont je situais jusqu’à peu l’apogée de la carrière à l’époque où il écrivait pour 20 ans (magazine que je lisais assidûment quand j’avais à peu près le même âge).
J’avais beau savoir que Diastème avait depuis produit plusieurs romans, des pièces de théâtre, des scénarios (Coluche, l’histoire d’un mec, Les châteaux de sable) et même réalisé un premier film en 2009 (Le bruit des gens autour), rien à faire, il restait celui rédigeant des articles caustiques au sein d’une revue pour filles un peu moins concon que les autres. Aussi, le voir emboîter le pas d’un skin* m’a décidé à aller prendre de ses nouvelles.
Marco et sa charmante tribu toujours rasée de près n’ont que des activités saines : courser de petits jeunes sympathisants de “ Touche pas à mon pote “ (et si possible leur fracasser une ou deux côtes au passage), effrayer les vieux chibanis du troquet du coin, se bastonner avec les redskins d’en face pour de vaines querelles de territoires, faire beaucoup de bruit, boire de la bière, se foutre sur la gueule encore et toujours avec tout ce qui possède au moins 2 poings … Le genre d’activités que peuvent pratiquer des sympathisants d’extrême droite, issus de quartiers populaires et qui ont endossé la panoplie du parfait petit skinhead (du bombers aux docs lacées de blancs, en passant par les polos Fred Perry).
Suite à une agression qui va aller plus loin que prévu, Marco se retrouve au poste. S’il commençait à avoir de sérieux doutes sur le bien – fondé des activités de sa bande, cet événement va fragiliser encore son engagement.
L’idée du film a germé dans l’esprit de Diastème, le jour où il a appris la mort de Clément Méric et a reconnu dans le camp des agresseurs, des visages croisés pendant son adolescence. “ Me rendre compte que ces gens avaient mon âge, que leur haine était la même que quand ils avaient 18 ans, cela m’a bouleversé. Rien n’avait bougé. J’ai trouvé cela troublant et romanesque**. “ L’intention ne peut être que chaleureusement saluée. Effectivement, rares (pour ne pas dire inexistants) sont les longs – métrages français qui traitent de la montée de l’extrême droite, introuvables sont ceux qui ont un skinhead comme personnage principal.
Il est dommage que sur le traitement, les choses soient moins évidentes. Si le pari est pris de suivre Marco sur presque 30 ans, de (trop) nombreuses ellipses, parfois mal gérées, ainsi que des dialogues un peu plats, empêchent de plonger réellement au cœur de ses remises en question, parfois même de valider ses réactions (et je ne parle pas de l’existence d’un personnage à valeur philosophique ajoutée).
Malgré tout, c’est avec beaucoup de vaillance que l’ensemble des comédiens s’investit dans ce Français. Le réalisateur, qui a voulu un casting sans réelle tête d’affiche (afin de privilégier une meilleure immersion chez le spectateur) a su dénicher des comédiens qui ne manquent pas d’assurance : Olivier Chenille, Jeanne Rosa, Lucie Debay, Paul Hamy …
Pour incarner Marco, son choix ne s’est pas tout à fait porté sur un illustre inconnu puisque les afficionados de HeroCorp auront pu reconnaître le gaillard Alban Lenoir, qui accède ainsi à son vrai premier rôle au cinéma.
Un français est bien un peu bancal, parfois bredouillant, pourtant il a le mérite de rappeler et remettre dans son contexte des épisodes de la montée de l’extrême droite, des plus sanglants (le défilé du 1er mai 1995 où Brahim Bouarram fut jeté dans la Seine et se noya) aux plus sournois (les distributions de “ soupe au cochon “ à des SDF, les participations aux manifs pour tous).
Diastème affiche clairement son opinion, sans détour. Il rappelle (au besoin) que le FN qui tente depuis des années de se faire passer pour ce qu’il n’est pas, n’en reste pas moins un parti de fascistes, avec du sang sur les mains.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio