Deux des plus grands talents de la Chine contemporaine sont les invités de l’Orchestre national du Capitole : le chef Long Yu, directeur musical de trois des plus grands orchestres chinois et le compositeur Qigang Chen, l’une des figures importantes de la musique contemporaine. Le programme de cette soirée du 5 juin associe musique russe et création chinoise.
C’est au violoncelliste Gautier Capuçon qu’est confiée la création toulousaine du concerto « Reflet d’un temps disparu » du compositeur chinois Qigang Chen. En 1983, à l’issue de son Premier prix au Concours national de Chine, Qigang Chen (né en 1951) est autorisé à se rendre à l’étranger. Espérant se former avec Olivier Messiaen et Pierre Boulez, il choisit la France où il réside désormais. Lorsqu’il arrive enfin en France, Olivier Messiaen a arrêté d’enseigner. Le jeune musicien chinois sera pourtant son dernier élève. Qigang Chen travaille avec lui de 1984 à 1988, et devient l’un de ses fils spirituels. A l’issue de cette formation exceptionnelle, le jeune compositeur chinois livre des œuvres qui tissent un pont entre sa Chine natale et sa France d’adoption. Ainsi en est-il du concerto pour violoncelle « Reflet d’un temps disparu ». L’œuvre est créée en 1998 par le violoncelliste Yo-Yo Ma, Charles Dutoit et l’Orchestre national de France. Cette œuvre en création toulousaine sera entourée de deux visions « russes » du drame shakespearien Roméo et Juliette. Celle de Piotr Illich Tchaïkovski, à travers sa fameuse ouverture fantaisie et celle de Sergueï Prokofiev avec le non moins célèbre ballet que lui a inspiré cette tragédie.
Dès 1933, Sergueï Prokofiev (1891-1953), qui avait quitté l’U.R.S.S. révolutionnaire pour la France, envisage de revenir dans sa terre natale. En 1936, après plusieurs tournées triomphales en Union Soviétique, le compositeur russe s’installe définitivement dans sa patrie. Il se trouve en butte à l’hostilité des censeurs du régime, désormais soumis au « réalisme socialiste ». C’est dans un tel contexte que naît le ballet Roméo et Juliette. L’histoire des amants de Vérone avait pourtant tout pour correspondre au diktat de cette nouvelle esthétique, dominée par l’exigence de simplicité : représentation d’une classe dominante déchirée par les haines, inscription dans l’histoire musicale russe après l’Ouverture fantaisie de Tchaïkovski. Mais l’inventivité orchestrale, les trouvailles harmoniques semblent avoir provoqué l’intervention des autorités soviétiques. En lieu et place de la création moscovite, le ballet est créé en Tchécoslovaquie, loin du pouvoir culturel et politique. Le compositeur en tira deux suites symphoniques en 1938, puis une troisième, en 1944.
Le chef d’orchestre invité Long Yu, né en 1964 à Shanghai au sein d’une famille de musiciens, est aujourd’hui le directeur artistique de l’Orchestre philharmonique de Chine (qu’il cofonde en 2000), le directeur musical des orchestres symphoniques de Shanghai et de Guangzhou (depuis 2003) ainsi que le directeur artistique du Festival de musique de Pékin (qu’il crée en 1998). Parallèlement à leurs saisons régulières où se produisent les meilleurs solistes, ces trois ensembles sont invités régulièrement en Chine et à l’étranger. La vision et les efforts de Long Yu continuent de faire du Festival de Musique de Pékin le pivot de la vie musicale de la capitale chinoise.
Le soliste de la soirée, le grand violoncelliste Gautier Capuçon, est lauréat du Premier Grand Prix du Concours international André Navarra à Toulouse. Il se produit avec les plus grands orchestres sous la direction des chefs les plus renommés. Parmi les temps forts de la saison 2014/2015, citons la tournée européenne avec le London Symphony Orchestra et Sir John Eliot Gardiner, ainsi que les nombreux concerts qu’il donne avec les plus grands orchestres d’Europe et des Etats-Unis. Depuis 2007, Gautier Capuçon est l’ambassadeur de « Zegna & Music Project », activité philanthropique fondée en 1997 pour promouvoir la musique et ses valeurs. En octobre 2014, il crée la « Classe d’excellence de violoncelle » à la Fondation Louis Vuitton à Paris, dans le nouvel Auditorium conçu par Frank Gehry.
Serge Chauzy
une chronique de Classic Toulouse