Alors que le 19ième siècle s’achève, le capitaine danois Gummar Dinesen est parti planter ses bornes de géomètre dans la lointaine Patagonie, embarquant dans son périple sa fille, Ingeborg.
Sa fille, son seul et unique enfant, lui est bien plus précieuse que n’importe laquelle de ses possessions terrestres. Quand il en aura fini de baliser la pampa argentine, ils rentreront au pays, il le lui a promis.
Seulement, le temps paraît bien long à l’adolescente sur laquelle le désert et l’aide de camp exercent une bien étrange attraction. C’est ainsi qu’au beau milieu d’une nuit venteuse, Ingeborg s’enfuit avec son galant. Son père, désemparé, va partir sur leurs traces à travers les contrées désolées qui avalent tout, où rôdent ennemis hostiles, chien errant et bien curieux ermite.
Désir de partir très très loin sans pour autant bouger de votre fauteuil ? Besoin de perdre vos repères et parfois même un peu la raison ? D’oublier les codes bien balisés du cinéma traditionnel ? Envie d’accompagner un Viggo Mortensen aux confortables bacchantes dans ses errements et sa marche tout aussi physique que profondément intérieure ?
Et bien, n’hésitez plus, prenez votre place pour Jauja (à prononcer Raoura, si vous ne voulez pas passer pour le champion du monde de sechage de cours d’espagnol), lieu légendaire de la mythologie sud – américaine, dont on dit que tous ceux qui en ont cherché le chemin ont disparu sans laisser de trace.
Lisandro Alonso, jeune réalisateur argentin, déjà auteur de 4 autres longs – métrages (qu’il a tous écrit et produit, soit dit au passage), était venu présenter son long – métrage sur la Croisette l’année dernière. Alors qu’il aura mis près d’un an à être distribué chez nous, Jauja était reparti bredouille du Festival de Cannes, mais auréolé de critiques tout à fait élogieuses.
C’était bien le moins qu’on pouvait faire pour ce long – métrage indépendant, s’appuyant sur de longs plans fixes même pas ennuyeux, entièrement tourné en 4 : 3,
ce qui lui confère dès le départ une aura et un esthétisme très singulier.
Au – delà de la forme particulière, Jauja exhale un parfum d’étrangeté, à mi – chemin entre voyage mystique, western de l’hémisphère sud et conte naturaliste. On peut tout aussi bien y croiser de drôles d’Indiens
que de graphiques compositions militaires.
Le dénouement, surprenant, vous déstabilisera peut – être mais vous donnera, comme cela a été mon cas, l’envie de boucler votre sac à dos direction les steppes du nouveau monde.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio