Théâtre Daniel Sorano 20 Novembre 2011
Ce corps qui parle de et par Yves Marc
Un maître nous parle avec son corps
Yves Marc, cofondateur avec Claire Heggen du théâtre du mouvement, il y a plus de trente-cinq ans, présentait « un spectacle en forme de conférence » au Théâtre Daniel Sorano, intitulé « Ce corps qui parle ». Ce « one-man-show » devant servir de creuset à un nouveau spectacle.
Bien des élèves du Conservatoire, des metteurs en scène, des comédiens, des danseurs, se pressaient pour boire ses paroles, car il a acquis au fil des ans une stature de gourou, de maître souriant et profond de l’art théâtral, et des mystères du corps en mouvement.
Acteur gestuel, mime, metteur en scène, formateur d’artistes professionnels de tout horizon, chercheur, et bien d’autres choses encore, Yves Marc a beaucoup réfléchi sur les rapports du corps et de l’objet, sur les marionnettes, sur la marche et son expressivité, sur le mouvement lui-même et sa « musicalité », mais il a voulu surtout axer cette rencontre sur « les états de la pensée, et les états émotionnels ».
Sur le portrait corporel qui fait que la pensée en nous se voit physiquement, et met à jour notre intime.
Dans sa présentation il écrit :
Il n’y a pas d’état de pensée (ou émotionnel) sans une inscription corporelle profonde. L’évolution des neurosciences a permis d’améliorer la compréhension du fonctionnement des émotions : le « je vois un ours, j’ai peur, je tremble » s’est transformé en « je vois un ours, je tremble, j’ai peur ». Le corps a ainsi manifesté l’état avant la conscience de celui-ci.
Tel changement d’axe de regard, telle position de tête, telle structure thoracique, telle respiration vont donner clairement une perception d’un état de pensée (et de sa couleur émotionnelle) sans qu’aucune pensée ou « film intérieur » n’alimente cet état. Cette conférence-représentation invite donc le comédien, en affinant sa perception, à prendre conscience et peu à peu maîtriser les structures corporelles profondes sur lesquelles appuyer son jeu. Pour le danseur, l’acteur de gestes ou l’acrobate, la théâtralité du mouvement va clairement naître du corps, des manifestations corporelles des états qui seront le berceau du jeu.
Peu à peu le jeu trouvera ainsi une dimension «organique» (et non seulement d’induction mentale) où s’instaurera tout naturellement le dialogue entre le corps et l’imaginaire (…et le psychologique).
Pour mener à bien ce dialogue entre le corps et l’imaginaire, entre la lecture de la pensée et l’émotion, Yves Marc n’a besoin que d’une table, d’une chaise, de deux masques, et d’une louche. Plus qu’une série de numéros pour « croquer la comédie humaine » Yves Marc nous fait réfléchir sur les gestes, surtout les gestes inconscients que ce que l’on perçoit sans doute pas, car on ne les soupçonne même pas, les attitudes qui nous trahissent, la façon de marcher, de regarder, de réaliser des micro-gestes, qui sont autant de révélateurs de cette pensée qui nous traverse et qui nous habite souvent à notre insu.
Si le mouvement est une sorte de musique, il est aussi porteur de notre personnalité intime, de nos inconscients.
Après un vertigineux voyage dans les lobes du cerveau, Yves Marc décortique nos attitudes, nos postures, soit culturelles, soit universelles. Et on finit par percevoir que le théâtre est autant mouvement que voix. Et cette marionnette idéale que pourrait être l’homme est sauvée par le cheminement de la pensée.
Comme le dit un titre de l’un de ses spectacles : « Je pense donc cela se voit ». Et la traversée de la pensée dans notre corps peut se pister.
Il pose la question simple : « Que fait notre corps pendant que nous pensons, que nous rêvons ? ».
Et Yves Marc nous fait toucher du doigt les mouvements, les attitudes, les comportements, qui montrent la présence de la pensée en chemin et notre façon de l’illustrer sans le vouloir par notre gestuelle.
Ainsi par un mélange de notions scientifiques profondes, d’humour et surtout de démonstration tendre et comique, Yves Marc nous oblige à reconcevoir nos gestes, les comprendre, les déchiffrer. Ce portrait corporel nous dévoile.
Et comme le dit l’un de leurs spectacles « Si la Joconde avait des jambes » et bien elle se mettrait vite en mouvement, car cela vaut bien un sourire.
Quand une conférence se fait lieu de pensée, de plongée profonde dans les ressorts intimes du théâtre et de l’artiste, elle est de salubrité publique !
Merci Yves Marc et bien sûr on doit « croire les mimes sur parole » !
Gil Pressnitzer
Site Internet Théâtres Sorano/Jules-Julien