Voir auparavant les deux articles d’annonce sur le concert lui-même
La Halle n’était pas pleine, faute à la date ? Dommage pour les absents et tant mieux pour les présents. Dommage en effet, si c’était le cas de bouder l’œuvre qui, pendant longtemps, a été la seule de Gustav Mahler donnée dans les salles de concert, les symphonies étant venues, mais bien après. Attention tout de même que le public ne réagisse comme du temps de Michel Plasson. Hors du mentor à la baguette, point de salle pleine ! Hors Tugan Sokhiev à la baguette, pas de salle pleine ? Ce serait un mauvais calcul, car les temps ont changé. Les chefs invités ne sont pas des demi-portions ne risquant pas de faire de l’ombre comme autrefois à l’icône. Après Josep Pons le 3 novembre, et son retour bienvenu en janvier, démonstration est faite avec Juan José Mena qui, pour son premier concert à la Halle n’a pas raté son intronisation, et dans un programme pareil, “chapeau“.
La symphonie n° 10 pour se mettre en appétit, et effectuer quelques petits réglages encore, et c’est parti pour trente minutes d’un adagio qui ne peut admettre un seul instant de relâchement, mais que l’on aurait aimé plus audacieux.
Dans Le Chant de la Terre, comment ne pas parler en premier de l’orchestre quand on sait combien le chant des solistes doit compter avec lui mais aussi et surtout avec les interventions de solistes à différents pupitres et que ce chant ne peut être pleinement réussi sans des interventions superlatives et elles le furent, toutes, même pour les plus discrètes, comme la mandoline ! L’œuvre est bien une symphonie avec voix obligée.
Avec un chef infiniment respectueux du texte : ici, la moindre nuance, là, la plus délicate combinaison de timbres, ou minutie et vigilance de chaque instant pour la plus subtile variation de tempo, une lecture touchante de vérité et d’humanité. Un chef qui, beaucoup plus à l’aise ici que dans la n°10, me semble-t-il, éclaire superbement les structures de l’œuvre, la diversité et la magnificence des timbres instrumentaux.
Robert Dean Smith fut impérial dans ses trois lieder semés de terribles embûches. Dès le premier qui donne le climat de l’œuvre, son assurance, sa confondante facilité rassurent tout le monde, même si l’équilibre soliste-orchestre aurait mérité un autre traitement. Timbre séduisant, magnifique ligne de chant, projection sans rictus ni grimace, humour quand il faut, le ténor surmonte sans difficultés les déchaînements orchestraux.
Christianne Stotijn n’a pas la voix exacte souhaitée par le compositeur, et pourtant. L’interprétation est d’une vérité bouleversante, le timbre admirablement contrôlé, le chant un brin désincarné fait merveille dans la plainte du “Solitaire en automne“ tandis que “l’Adieu“ est remarquable d’intensité émotionnelle, la mezzo-soprano exaltant le tragique avec une stupéfiante simplicité, un “Adieu“ qui se révèle un des plus longs si l’on fait référence à certains enregistrements.
Au bilan, une grande version en “live“.
Michel Grialou