Si l’Argentine est un fier pays de gauchos, la nation indétrônable du barbecue au kilomètre, la patrie d’origine du torride tango et d’Eva Peron, elle ne se résume pas à cette enfilade de cartes postales digne d’un guide touristique pour Européens en mal de fantasmes.
L’Argentine (comme l’Amérique du Sud de façon plus générale) connaît depuis quelques années un renouveau dans son cinéma via de jeunes réalisateurs innovants mais aussi par l’intermédiaire de distributeurs de chez nous, un peu moins frileux qu’auparavant à nous faire parvenir tous ces bons films. J’en veux pour preuve la visibilité lors de cette dernière décennie de longs – métrages tels que Bombon el perro, Les 9 reines, Gloria ou Hipotesis.
Les nouveaux sauvages surfent sur cette vague et le moins que l’on puisse faire est de s’en réjouir pleinement.
Les passagers d’un avion se rendent compte qu’ils ont pour point commun une connaissance commune pour le moins perturbée, la serveuse d’un routier reconnaît l’homme qui des années plus tôt précipita sa famille dans la ruine et se demande s’il ne serait pas temps de se venger, deux automobilistes vont rejouer la partition de Duel, un artificier un peu pingre va en avoir assez que sa voiture soit embarquée par la fourrière, un fils à papa va renverser une femme enceinte et prendre la fuite, le mariage de Romina va virer au cauchemar lorsqu’elle va réaliser que son mari l’a trompé avec l’une des convives.
Dès le premier segment des 6 que compte le long – métrage, le ton est donné : le » pétage de plomb » occupe le devant de la scène.
Damian Szifron livre un deuxième film apparenté à la tragi – comédie. Annoncé comme une bonne grosse poilade, où les accès de rage ne sont qu’une occasion supplémentaire de se bidonner, mieux vaut mettre un bémol sur cet aspect, à mon avis éhonté. S’il est certain que Les nouveaux sauvages ne manquent pas d’humour, une noirceur et une acidité en filigrane viennent en modérer le propos purement comique.
On rit donc mais sans oublier un contexte et des réalités sociales qui n’oublient pas d’égratigner la bonne société argentine au passage.
La mise en scène est excellente, toute comme l’installation de l’intrigue (chose pas forcément évidente lorsqu’il s’agit d’une succession de segments n’excédant pas la vingtaine de minutes pour le plus long) et l’escalade qui mène les protagonistes à une explosion au sens propre ou parfois figuré.
Damian Szifron maîtrise parfaitement l’art du film à sketchs, tout comme celui délicat, du petit détail qui amène à la mise en pression de ses personnages. Je ne vous parle même pas de l’aspect amoral, totalement jouissif.
Ils sont pléthores à donner corps à cette tribu de fracassés du bocal sans foi ni loi, tous d’excellents comédiens pas (encore !) très connus dans nos contrées, exception faite de Ricardo Darin (ci – dessus), qui a joué dans certains des films évoqués en préambule (mais aussi dans Elefante blanco et El chino).
Les nouveaux sauvages, c’est énormément de second degré, un sens de la dérision à toute épreuve et certainement pas qu’une simple affaire de gens poussés à bout, devenant incontrôlables. Vous pensez bien que si tel était le cas, je ne vous en parlerais même pas.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio