Après sa mise en scène de « Démons », Nathalie Nauzes retrouve l’auteur suédois Lars Norén avec « le Temps c’est notre demeure », pièce habitée par dix comédiens au Théâtre Sorano. Entretien.
Au commencent était le titre
Nathalie Nauzes : «Après avoir monté « Démons » de Lars Norén, je cherchais à mettre en scène une nouvelle pièce du même auteur. Il m’en a envoyé plusieurs, et le titre de celle-ci – à l’origine « le Temps est ma demeure » – m’a particulièrement plu. C’est toujours le titre qui m’attire dans une pièce… Là, il signifie que nous avons beau avoir des murs qui nous entourent, des rideaux à nos fenêtres, nous n’avons pas de foyer, nous habitons le temps. C’est tout. Et ce n’est déjà pas si mal d’avoir survécu !»
Une pièce d’ombre et de lumière
«Il s’agit de dix personnages, amants, amis, enfants, réunis au bord de la mer pendant un été. C’est une pièce qui date de 1990, elle contient encore beaucoup de mots par rapport aux pièces récentes de Norén. Son écriture navigue entre réalisme extrême et mouvement d’ombre, tout ce qui n’est pas dit et qui nous relie les uns aux autres. Mais l’ambiance sur le plateau sera plus lumineuse que dans mes précédentes pièces, ouverte sur l’horizon. J’ai souhaité une lumière amoureuse, une lumière des sentiments.»
«Nous nous connaissons tous depuis longtemps. Philippe Bussière et Jean-Marc Brisset étaient les professeurs de certains d’entre nous. Eric Lareine est là aussi : je faisais partie du chœur dans ses concerts, il y a longtemps. Je retrouve aussi trois comédiens de « Démons ». C’est difficile de diriger toutes ces personnalités si différentes et fortes. Il faut toujours les rassembler, sinon elles s’égarent ! [rires]. Je n’ai qu’une ligne directrice : soyez des personnages espérant, imaginez que quelque chose va arriver. Après tout, ce n’est que la vie ! Il faut que les acteurs soient habités par ce désir de changement. Dans la pièce, les personnages se plaignent sans cesse de ne pas se sentir assez jeunes, de ne pas se sentir assez aimés. Mais s’ils ont de l’espoir, alors ça devient léger. Je demande aux comédiens d’accepter d’être là, d’habiter l’espace avec grandeur et humilité et non de le meubler. Même si c’est une pièce bavarde, j’aime les comédiens silencieux, en capacité d’être avec l’autre, à l’écoute de l’instant présent. Lars Norén dit : “Pour moi, il n’y a rien de plus beau qu’un acteur dans un espace vide. Et c’est ce que je cherche : un être humain nu dans une situation essentielle”.»
Entre violence et bienveillance
«Lars Norén décrit des rapports humains violents car la vie est violente. Mais ces pièces contiennent du rire. La vie, c’est trop grand, alors il faut rire ! Lors des représentations de « Démons » au Théâtre Sorano, le public riait de bon cœur ; c’était beau. C’est ce qui compte le plus, la confrontation avec le public, ça fait avancer la pièce. Aussi exigeant et solitaire soit-il, Lars Norén est un homme bienveillant. J’aime la façon dont il s’adresse à ses acteurs. C’est beau la bienveillance au théâtre. Sans elle, on n’obtient jamais rien de bon des acteurs, ce qui n’empêche pas le travail.»
Propos recueillis par Sarah Authesserre
une chronique du mensuel Intramuros
Du 3 au 7 février, 20h00, au Théâtre Sorano,
35, allées Jules-Guesde, Toulouse. Tél. 05 81 91 79 19.
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photos © Yvan Poirier