« Exodus : Gods and Kings », un film de Ridley Scott
Pourquoi je suis resté totalement extérieur à ce film, alors que je suis un fan de péplums et de Ridley Scott, le réalisateur de l’un de mes films culte : Blade Runner (1982). Justement, c’est peut-être aussi la faute d’un autre de mes films culte, et pas n’importe lequel en la circonstance puisqu’il s’agit des Dix Commandements que tourna Cecil B. DeMille en 1955. Vu et revu une vingtaine de fois, ce film contient, à l’inverse du présent, une poésie et une forme de naïveté, sans parler d’une mise en scène somptueuse dans laquelle le souffle de l’épique se manifeste de manière grandiose, qui conviennent parfaitement à l’imagerie contenue dans cet épisode de l’Ancien Testament. L’épisode en question retrace la sortie d’Egypte, direction la Terre Promise, de quelques centaines de milliers d’esclaves hébreux sous la conduite de Moïse et après que les dix fameuses plaies aient frappé le pays des pharaons. Bien sûr, les dialogues d’aujourd’hui laissent sous-entendre les problèmes que vit le Moyen Orient actuel et les fameuses plaies sont plus ou moins expliquées scientifiquement de même que le passage de la Mer rouge. Soit. Mais ce qui vraiment coince dans cette réalisation, c’est la platitude de textes à la rhétorique moderne, l’humour assez déplacé, voire incongru, sur la nullité des dieux égyptiens, une 3D inopérante qui plonge la photo dans un flou permanent, un scénario dont le but ne semble être que d’enfiler les effets spéciaux sans se soucier d’un quelconque travail sur la psychologie des personnages, des acteurs à la limite du ridicule (pauvre Ben Kingsley !) ou carrément mauvais (Joel Edgerton en Ramsès ?). Voilà pour l’essentiel, si l’on peut dire. Mais le pompon est certainement l’idée saugrenue de personnifier Dieu. Celui-ci est représenté par un gamin d’une dizaine d’années, ce jeune comédien faisant ce qu’il peut pour son âge, et offrant le thé à Moïse alors que celui-ci trace au burin les Tables de la Loi sous sa dictée. Pourquoi pas mais alors où se trouve la magie de ces textes bibliques et leur pouvoir de transmission d’un message théologique d’une formidable portée ? Ils sont perdus dans un casting de stars et certainement des contraintes industrielles. La rumeur nous dit que ce film de 2h30 serait en fait beaucoup plus long et que la suite, ou du moins le complément, arriverait plus tard… Il sera alors peut-être bien trop tard car ce que l’on voit ici est rédhibitoire. Autre problème pour ce film, c’est l’interdiction dont il se voit frappé dans plusieurs pays bordant la Méditerranée sous le prétexte que tous les comédiens sont blancs, alors que les Egyptiens de l’Antiquité étaient plutôt négroïdes. En marge de toute considération artistique, il est aisé de se rendre compte par ce fait de la radicalisation de certains gouvernements car la totalité du supercast du film de Cecil B. DeMille il y a un peu plus de cinquante ans était américaine de couleur blanche. Sans problème aucun ! Pour finir et à propos de supercast, inutile d’épiloguer davantage sur les prestations calamiteuses de Christian Bale (Moïse), John Turturro (Sethi) ou autre Sigourney Weaver and co. Bref, un loupé complet !
Robert Pénavayre