David Fincher est un maître du confinement, de l’oppression. Sa filmographie suinte par tous les pores d’un tel malaise, d’une tension telle, que je n’ose imaginer les événements horribles qui ont dû survenir dans sa petite enfance.
Générateur d’une chiée de clips (qui lui permirent d’investir l’industrie cinématographique), d’un premier long – métrage marquant (le sobrement nommé Alien 3, le plus suffocant) (c’était pour l’instant fan de) en passant par 7even, l’iconique Fight Club, The social Network et la récente série House of Cards (LA carte de visite prestige de Netflix), David Fincher s’est pourtant rarement exposé, tout en devenant un metteur en scène respecté. Il a même acquis un statut sans pareil, doublant par la droite Spielberg et Scorsese sur le créneau convoité de ceux qui font la pluie et le beau temps à Hollywood.
David Fincher, le roi du pétrole.
Quand un réalisateur atteint de telles stratosphères, on peut toujours craindre une chute éventuelle, un ego qui se boursoufle, un manque d’envie qui pousserait au médiocre. De ce côté là, soyez rassurés, David va très bien.
Quand Nick rencontre Amy, il sait en une fraction de seconde que cette fille sera la femme de sa vie. L’osmose est trop parfaite, le désir palpable, la ville de New – York idéale pour une telle rencontre.
Et puis il y a le chômage qui frappe, les disputes et finalement le départ vers le trou paumé du Missouri à cause d’une mère gravement malade. Amy aime son homme, elle le suit sans broncher même si ce n’est pas à cette vie – là qu’elle aspire, même si Nick n’est plus l’homme attentionné qu’elle a rencontré.
De retour chez lui, Nick ouvre un bar avec sa sœur jumelle et délaisse sa jolie femme, dans sa jolie maison. Un jour, Amy s’évapore. Nick avertit la police. Et va se retrouver dans la ligne mire, unique suspect de sa disparition.
Sacré David va …
À ceux qui penseraient qu’ayant déjà lu le bouquin de Gillian Flynn, toute vision du film en deviendrait inutile, sachez mes agneaux que la romancière elle – même s’est attelée à l’adaptation, réécrivant le dénouement final.
Pour tous les autres qui ne connaissaient même pas l’existence de ce roman (soyons solidaires, je n’avais jamais entendu parler moi non plus !), vous serez face à un thriller terriblement efficace, parfois un peu pervers, qui jouera avec vos nerfs et vous fera douter en permanence de ce que vous verrez se dérouler à l’écran.
David Fincher installe dès le départ une ambiance pesante, diffuse, jouant des différents points de vue, imposant un montage malin, multipliant les fausses pistes, manipulant ses personnages comme les pauvres petits spectateurs que nous sommes.
Placé sous le signe d’une belle photo tout en brun – gris, Gone girl est doté d’une bande – son archi efficace, qui se posera comme une main glacée sur votre nuque. À l’origine, un duo gagnant : Atticus Ross – Trent Reznor (déjà aux manettes sur les 3 derniers longs – métrages de Fincher). Certaines scènes en gagnent une intensité telle que l’air en devient irrespirable.
Le traitement fait aux médias (et la mise en avant de ces horribles émissions où viennent témoigner monsieur et madame tout le monde), l’emballement de la machine médiatique, le procès fait à Nick par la vindicte populaire, les groupes de soutien constitués pour retrouver Amy, toute cette effervescence typiquement américaine de veillées aux chandelles, sont parfaitement utilisés.
Côté comédien, on se réjouira que Ben Affleck nous serve autre chose que la soupe insipide dont il est capable d’habitude, prouvant que lorsqu’on est bien dirigé, un miracle est possible. Kim Dickens est parfaite dans le rôle de l’inspectrice qui ne s’en laisse pas compter, Neil Patrick Harris accède enfin à un rôle intéressant et totalement à contre emploi.
Quant à Rosamund Pike, elle embrasse entièrement un rôle refusé par bon nombre de ses collègues (sûrement effrayées par l’investissement requis). Elle y excelle et il se pourrait bien qu’on lui déroule le tapis rouge aux prochains Oscar.
Avec Gone girl, vous allez naviguer à vue. Et ce ne sera pas de tout repos.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio