Chansons nostalgiques pour confidences intimes
Ses « Chansons d’amour » en 2007 nous avaient littéralement laissés en apesanteur. Aujourd’hui, sur un ton plus grave, Christophe Honoré nous parle à nouveau de sentiments et d’amour. Cette fois, il nous attache aux pas de Madeleine, jeune et piquante (à tous les sens du mot…) vendeuse de chaussures. Nous sommes au début des 60’s. Plus par jeux que par véritable nécessité, Madeleine reçoit de temps en temps des hommes chez elle, moyennant finance. Elle finit par tomber sur le grand amour, un jeune médecin tchèque. Elle le suivra dans son pays où ils auront une fille, Vera. De retours en arrière en séquences d’une brûlante actualité (invasion russe en Tchécoslovaquie, attentats du 11 septembre à New York, etc.), Christophe Honoré croise et décroise les destins sentimentaux de la mère et de sa fille. Ce faisant, il nous décrit aussi la fracture générationnelle qui s’est opérée durant le dernier demi-siècle. Devant l’insouciance fragile d’une génération traumatisée par l’apparition du Sida, incapable aujourd’hui d’épauler ses propres enfants dans leurs troubles amoureux, le réalisateur se veut sans concession, nous donnant à voir une Madeleine devenue adulte mais toujours autant inconséquente face à sa fille qui, elle, s’obstine à poursuivre un amour impossible. Fait troublant particulièrement dans ce film, Madeleine et Vera sont bien mère et fille dans la vie puisqu’il s’agit de Catherine Deneuve et de Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier endossant pour sa part le rôle de la jeune Madeleine. Et tout cela sur des chansons signées d’un complice de tout temps : Alex Beaupain. Leur donnant le sens de monologues intérieurs, le compositeur a écrit pour ce film une douzaine d’opus d’une formidable sensibilité, chantés du bout des lèvres mais avec cette sincérité qui fait l’émotion toute naturelle. A l’image des actrices de ce film, les acteurs sont tous à saluer pour leur justesse de ton, que ce soit le toujours formidable Louis Garrel, ou encore Milos Forman, Rasha Bukvic, Michel Delpech (qui lui, ne chante pas !) et, surtout, l’éblouissant Paul Schneider dans un emploi surexposé à couper au couteau. Il est incontestablement la découverte de ce film. Un film qui navigue avec une fantastique virtuosité entre l’amour et la mort, la légèreté poétique de la forme et la cruelle acuité du propos.
Robert Pénavayre
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