Que ce film fait du bien !
Sur une accroche pareille, il convient immédiatement de se justifier. Pourquoi sort-on de cette projection avec le sourire aux lèvres et le cœur en paix ? Pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, ce film est un merveilleux hommage à un jeune comédien, Jocelyn Quivrin, disparu lors d’un accident de moto en 2009, à l’âge de 30 ans. Pour avoir joué en 2007 le rôle de Lycidas dans le dernier film d’Eric Rohmer (Les Amours d’Astrée et de Céladon), il avait décidé de réaliser un film sur cette expérience. La réalisatrice suisse Léa Fazer, très proche de ce comédien, lui donnait un coup de main pour l’écriture du scénario. Le destin en a décidé autrement, mais la cinéaste a repris le projet et se l’est approprié.
Voici donc son film : Maestro, en forme d’hommage à ce jeune homme fauché en pleine ascension. Une autre raison, et non des moindres, est que ce film parle de la transmission. Dans un monde où les quinquas sont jetés comme des kleenex usagés, en même temps que tout leur savoir et leur expérience, Léa Fazer nous parle du tournage d’un film qui prend son temps, sous l’œil de ce que l’on nomme encore un auteur. Peu de moyens matériels certes, mais une idée, une éthique, une philosophie, une vision, des mots qui paraissent aujourd’hui comme de véritables inepties dans le 7ème art, voilà ce qui anime Cédric Rovère (Michael Lonsdale). Ce réalisateur, un peu au terme de sa carrière, tourne Les Amours d’Astrée et de Céladon. Après audition pour un rôle mineur, il engage Henri (Pio Marmaï), un jeune comédien qui ne rêve que de tourner dans une suite de Fast and Furious. Contrat en poche, et s’imaginant convié dans un 5 étoiles, il se retrouve au fin fond de la Province française, dans un hôtel…de caractère. Les conditions du tournage sont précaires car les budgets pharaoniques sont aux abonnés absents. Un imprévu propulse Henri dans un rôle plus exposé, celui de Lycidas. Travaillant au plus près de Rovère, Henri va découvrir tout un autre art de vivre, de penser, de regarder. Le vieux maître le façonne d’une autre manière, le fait grandir, l’exfiltre de son immaturité. Henri ne sortira pas indemne de cette expérience. Et cette métamorphose est l’une des plus belles choses qui puissent se voir. La scène, en apparence anodine, du nœud de cravate que Rovère apprend à nouer à Henri, est en fait bouleversante d’intensité dans les regards échangés entre les deux hommes que deux générations séparent. L’un vient d’entrer dans l’âge des raisons et l’autre vient de lui en entrouvrir les accès. La transmission est l’une des plus belles et nobles missions de l’Homme. L’improbable duo Pio Marmaï/Michael Lonsdale fonctionne à la perfection. Au bouillonnant jeune comédien se conjugue la force tranquille et sereine du cinéaste qui ne cède en rien. Leurs échanges sont un vrai bonheur et rendent perceptible toute la profondeur du cinéma d’auteur. A voir absolument !
Robert Pénavayre
Pio Marmaï – Le regard du jeune cinéma français
Avec un père scénographe et une mère costumière à l’Opéra de Strasbourg, ce fils d’émigré italien pouvait difficilement éviter l’école du théâtre. Après ses classes au Centre dramatique national de Saint Etienne, Pio se produit sur les planches dès l’aube de ses vingt ans. Puis le cinéma et la télévision vont faire les yeux doux à ce comédien dont le regard est le plus « parlant » de toute la jeune génération des comédiens français. Très souvent nominé, jamais récompensé (?), Pio Marmaï alterne aujourd’hui, en ce mois anniversaire de ses 30 ans, et avec le même bonheur, autant les premiers que les seconds rôles, les comédies que les drames.