De soufre, de sang et de larmes, une passion
Cette passion, c’est celle qui dévore le corps et le cœur d’Agnès Le Roux, la riche héritière du Palais de la Méditerranée à Nice. Cette passion va l’emporter. Où ? On ne le saura certainement jamais. Le réalisateur André Téchiné s’est attaché aux pas de cette jeune femme et au dramatique fait divers qui en 1977, et encore de nos jours, a ébranlé le milieu feutré, pour ne pas dire opaque, des maisons de jeux méditerranéennes. Un carton nous apprend qu’il s’agit d’une fiction inspirée de faits réels, une manière aujourd’hui très usitée dans le cinéma pour se dédouaner ainsi des intéressés. Et pourtant, le scénario a été coécrit avec Jean-Charles Le Roux, le frère d’Agnès, qui a également participé aux dialogues de ce film largement inspiré du livre qu’il a coécrit avec sa mère et sorti en 1989 sous le titre de « Une femme face à la mafia ». Soit, c’est donc une fiction qui met en présence un trio sulfureux. Agnès (Adèle Haenel) vient de divorcer à la suite d’un mariage précoce. Elle rentre d’Afrique. Sa mère Renée (Catherine Deneuve, impériale), veuve d’un richissime homme d’affaire, Henri Le Roux, règne en maîtresse absolue sur le fastueux Palais de la Méditerranée, conseillée par un jeune avocat, Maurice Agnelet (Guillaume Canet). Pendant que la guerre des casinos fait rage, la mafia corse tentant de s’emparer de la totalité des maisons de jeux, avec l’aide d’autorités et de réseaux de toutes sortes, naît entre Maurice et Agnès une véritable passion…à sens unique. Agnelet veut bien passer quelques moments avec l’héritière, mais pas plus. De son côté, Agnès souhaite prendre son indépendance financière et demande à sa mère de lui racheter ses parts dans le casino. Ce que ne peut pas faire Renée Le Roux car son casino subit l’attaque en règle de joueurs mafieux qui mènent l’entreprise au bord de la faillite. Maurice voyant Renée déstabilisée, lui demande d’accéder à un poste de direction du casino. Renée refuse. Erreur funeste. L’avocat play-boy va pousser Agnès à voter contre sa mère lors d’un Conseil d’Administration qui doit décider de sa réélection comme pdg du Palais de la Méditerranée.
Entre temps, il aura présenté Agnès au concurrent numéro 1 de Renée Le Roux, le dénommé Fratoni, parrain notoire qui a offert 3 millions de francs à l’héritière pour son vote. Dans l’hyper confidentialité d’une banque genevoise, Agnès et Maurice se partagent le magot, se donnant mutuellement procuration sur leurs comptes. La descente aux enfers d’Agnès peut commencer. D’humiliations en abandon, Maurice Agnelet se détache de sa maîtresse. S’en suit une tentative de suicide puis la disparition de celle-ci. Le scénario fait alors un saut dans le temps de vingt ans. Nous retrouvons les deux principaux protagonistes, plus ou moins bien grimés faut-il dire. La séquence judiciaire dure depuis des années. De pourvois en cassation, cette sombre histoire n’en finit plus et Maurice Agnelet est toujours en prison. Sur ce dernier point, ce n’est pas de la fiction.
Robert Pénavayre
Catherine Deneuve – Icône incontestée et …incontestable
Issue d’une famille de comédiens, la sœur de Françoise Dorléac va prendre le patronyme de jeune fille de sa maman, Deneuve, pour entrer dans la profession et devenir l’icône incontestée et, surtout, incontestable du cinéma hexagonal. S’il est difficile de compter le nombre des films auxquels elle a participé, après plus de 50 années d’une carrière qui est loin d’être terminée, tout au moins faut-il souligner que, loin de se cantonner dans les rôles que sa blondeur et sa plastique semblaient lui assigner, Catherine Deneuve s’est aventurée sur bien des terrains. En effet, cette comédienne s’est engagée aussi bien dans la comédie musicale que dans le film d’auteur, la grande fresque populaire, la comédie, le film conceptuel, la superproduction, le drame, exportant son talent bien au-delà de nos frontières et devant la caméra des plus grands.
Pour quel public ?
Adulte, sans équivoque aucune. Non pas à cause de scènes osées, mais surtout en raison d’un sujet d’autant plus brûlant qu’il n’est pas réglé, du thème sous-jacent des trafics d’influence incluant des réseaux de tous ordres sur la Côte d’Azur. Un rien complexe, c’est un film complexe qui demande un brin de recul.