Tugan Sokhiev et l’Orchestre National du Capitole ont terminé leurs 4 excellentes prestations lors du quarantième festival des Chorégies d’Orange avec un professionnalisme dont peu d’orchestres peuvent s’enorgueillir. Des gouttes de pluie néfastes pour les instruments ont failli faire renoncer à ce concert tant attendu. Mais après une courte interruption entre le premier et le deuxième mouvement le rêve a pu devenir réalité et le concert a été fameux !
Une Ode à la joie tant espérée !
Cette année l’Orchestre du Capitole de Toulouse a rayonné sur les 40e Chorégies d’Orange avec brio tant pour les deux représentations d’Aïda que le concert symphonique de musique Russe. À la symphonie avec chœur de Beethoven revenait le rôle de clore avec faste cette première partie des Chorégies avant la venue de l’Orchestre National de France pour Rigoletto fin juillet.
Ces 4 concerts ont permis à l’orchestre et son jeune chef, Tugan Sokhiev, de séduire sur place un public ravi relayé par les chaînes de télévision pour une représentation d’Aida et le concert du 11 juillet.
Pour la Neuvième symphonie un public nombreux (plus de 4000 personnes) a donc partagé un grand moment d’angoisse puis un plaisir rare, aiguillonné par la peur de la pluie menaçante puis la conscience que la météo déréglée avait rendu les armes devant le chef d’œuvre de Beethoven ainsi interprété. Le confort des salles de concerts n’a pourtant été regretté par personne. Quelle belle salle de concert que cet amphithéâtre bi-millénaire ! Rien ne lui est comparable au monde car la précision des moindres murmures de l’orchestre (jusqu’à la respiration des instrumentistes) est sidérante et jamais aucune saturation n’est possible, le son pouvant se déployer à l’infini sous le vaste ciel. La clarté qui résulte de cette acoustique exceptionnelle permet de déguster la fine musicalité de cette version de la symphonie la plus connue au monde, du moins dans sa dernière partie, ce final choral visionnaire. Tugan Sokhiev a une relation passionnelle avec son orchestre qui explique en partie les risques acceptés par les instrumentistes lors des conditions météo connues à Orange ces jours ci. Signalons que le dernier acte d’Aida le 12 juillet n’a pu être donné à cause de la pluie. La conscience d’un danger semblable a fait changer l’ordre du programme qui a débuté par la IXe symphonie. Les premières mesures pianissimo ont permis de déguster la finesse des cordes et la délicatesse des cuivres et des bois. Le crescendo a ensuite été savamment construit pour subjuguer les oreilles les plus exigeantes. La précision des rythmes, la justesse des accords et l’énergie maîtrisée ont ensuite construit un premier mouvement urgent et excitant. La beauté des timbres, la variété des couleurs et surtout une précision chirurgicale des rythmes ont conduit vers une forme d’exaltation partagée par le public. Cette promesse d’une interprétation si originale a été détruite lorsque les instrumentistes, sous les assauts de la pluie, ont rangé leurs instruments et que des bâches ont été posées sur les contrebasses et les timbales. Renoncer ? Après une telle entrée en matière ? L’hémicycle vide et le départ d’une partie des choristes le faisaient craindre …
Après quelques minutes infinies d’angoisse, le retour des musiciens et des choristes a soulevé des tonnerres d’applaudissements. Prendre de vrais risques pour les cordes surtout (pauvres violoncelles) n’est pas chose si banale. Il faut ici saluer l’engagement exceptionnel des musiciens. Le public ne s’en est pas privé, applaudissant très (trop ?) souvent.
La suite de l’interprétation a été à la hauteur des attentes avec de grands moments riches en émotions.
Le choeur a été au diapason et c’est donc lui qui a gagné le cœur du public, au point d’applaudir avant la fin une très belle interprétation pleine de feu et d’énergie. En deuxième partie c’est donc la 8e symphonie qui mobilisé un orchestre partiellement renouvelé au bois et cuivres. La filiation haydienne de cette partition qui souffre un peu du voisinage génial de la 7° et la 9° a été rendue par la belle direction du chef Ossète. La beauté des attaques, la souplesse des rythmes et l’élégance des phrasés ont rendu à merveille la délicatesse et même l’humour de la partition. Plus détendu l’orchestre a été étincelant et virtuose.
Un nouveau magnifique concert de cet Orchestre si généreux a fait des heureux dans ce beau théâtre romain, écrin merveilleux à l’acoustique digne des meilleures salles de concert.
Hubert Stoecklin
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