Se retrouver millionnaire en jouant au loto, une chance ?
Le sujet était en or massif. En adaptant le best-seller du romancier Grégoire Delacourt (2012), best-seller déjà vendu à près d’un demi-million d’exemplaires dans plus de vingt pays, Didier le Pêcheur jouait sur du velours. Faut-il rappeler la trame de ce livre, ici librement adapté ? En bref, il s’agit d’une petite mercière d’Arras, mariée, deux enfants, qui joue à l’euro million pour faire plaisir à deux copines. Ce qui doit arriver… La voilà en possession d’un chèque de 18 millions et des poussières. Soucieuse de ne pas faire exploser sa petite vie faite de bonheurs divers et variés, Jocelyne, c’est son prénom, n’en dit mot à personne, même pas à son mari. Seul confident dans cette histoire, son père dont la santé mentale lui fait tout oublier toutes les six minutes. Seul pas tout à fait car Jocelyne décide de se décharger de ce secret dans le cadre de la confession.
Mal lui en prend car le curé la harcèle immédiatement de demandes. Jocelyne était pourtant prévenue. Lors de la remise du chèque à l’Européenne de Jeux, une psychologue (irrésistible Julie Ferrier) l’avait avertie des dangers d’une telle situation. Cette scène, la meilleure du film, porte en elle toutes les véritables catastrophes qui accompagnent un tel changement de statut social : isolement, choix cornéliens, incapacité à maîtriser un nouvel environnement particulièrement nocif, entourage mouvant, surendettement (eh oui !), divorces, suicides, etc., le chemin vers l’enfer est en pente raide. Une poignée des « heureux » élus s’en sort mieux et, globalement, ceux-ci choisissent de faire de larges donations.
Mais revenons à notre histoire. Jocelyne n’arrive toujours pas à encaisser son chèque. Son couple bat de l’aile et elle ne trouve refuge que dans l’amitié qui la lie à deux jumelles, deux Danielle (épatantes Virginie Hocq et Frédérique Bel). Elle pense même un moment céder à l’adultère devant l’irrésistible sourire et la voix toute de miel de Jean-Luc (toujours aussi convaincant Julien Boisselier). Mais non, sa famille est sacrée et malgré les coups de roulis, elle tient bon face à la tempête. Jo, son mari (Marc Lavoine, lui, pas convaincant du tout), boit et n’arrive pas à faire le deuil de leur petite fille morte à la naissance. Le moteur de cette famille, c’est clairement Jocelyne qui, de plus, a créé un blog qui fait un tabac monumental. Le fameux chèque est toujours soigneusement caché, mais un beau jour, il disparaît. Tout comme Jo…
Avec un sujet pareil, pourquoi ce film nous laisse sur notre faim ? Problème d’adaptation trop fidèle d’un livre qui n’est quand même pas un chef d’œuvre, une Mathilde Seigner (Jocelyne) en roue libre, des ellipses troublantes, un rythme hésitant ? Les magnifiques prises de vue nocturnes d’Arras ne peuvent combler l’ennui qui s’instille au fur et à mesure de cette projection pourtant d’à peine 1h38. Sur un thème tel que celui-ci, cette réalisation manque d’ambition. Si ce n’est d’un véritable regard.
Didier le Pêcheur : valse entre séries tv, courts et longs métrages
Ce réalisateur et scénariste français est l’un des piliers du 7ème art hexagonal. A l’âge de 36 ans et pour ses premiers pas dans le long, avec son iconoclaste Des nouvelles du bon Dieu en 1995, il se voit couvert de prix internationaux. Ecrivain (reconnu) à ses heures, auteur également de clips pour des artistes de variétés tels que Zazie, Julien Clerc et Dany Brillant, Didier Le Pêcheur semble aujourd’hui abandonner l’univers grinçant et décalé de ses premiers opus et se tourne ici vers une comédie sociale plus conventionnelle. Mais ce sont très clairement les séries tv qui prennent aujourd’hui le pas sur ses activités. Etonnant ? Non.
Robert Penavayre