Comme bien des gens sur cette planète, j’ai appris l’existence de Xavier Dolan un beau jour du mois de mai 2009. À peine âgé de 20 ans (le bougre) et arborant un look fashionistement élaboré d’intello – hipster avant l’heure (mais qui suis – je pour juger), il venait présenter à la quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes son premier film, J’ai tué ma mère.
Depuis ce moment, et mis à part lorsqu’il prend le soin de réaliser une vidéo pour le groupe Indochine*, il y est revenu pour chacun de ses films (Les amours imaginaires, Laurence Anyways et jusqu’au prochain Mommy, pas encore sorti mais qui sera présenté lors de la prochaine compétition officielle).
Curieuse d’un tel phénomène (car jusqu’ici j’avais plus entendu parler de lui que vu l’un de ses films), j’ai profité de la récente sortie en salles de Tom à la ferme pour tenter d’appréhender l’univers du jeune québécois.
À la suite du décès de Guillaume, son compagnon, Tom prend la route de la ferme familiale, afin d’assister aux obsèques. Une fois sur place, il réalise que personne ne connaît son existence et encore moins la place qu’il occupait dans la vie du défunt.
Seul Francis, le frère de Guillaume, n’est pas dupe de la relation que Tom entretenait avec son frère. Pour préserver sa mère, il lui demande de ne rien révéler. Et commence à entretenir avec lui une relation perverse.
Une chose est sûre, Tom à la ferme est un film très important pour Xavier Dolan. En effet, on sent son implication, son investissement total. En plus de jouer le premier rôle, c’est lui qui a adapté l’histoire (tirée d’une pièce de théâtre du dramaturge Michel Marc Bouchard). Bien entendu, il en a conçu la réalisation mais a tenu également à réaliser la bande – annonce et le dossier de presse.
Si parfois, certains se contentent d’effleurer leur sujet ou de trop rapidement s’en remettre à d’autres, on ne peut pas dire qu’il en soit de même pour Xavier Dolan. Paradoxalement, je me demande justement si cette implication absolue n’est pas ici excessive …
Il se dégage de Tom à la ferme une aura assez mégalomaniaque. La réalisation (totalement maîtrisée, belle même si maniérée) n’en finit jamais de proposer son interprète au centre du cadre, bel ange blond tombé au sein d’une famille dysfonctionnelle, perdu et brisé par la perte d’un être cher, hagard, magnifique dans son malheur, essayant de fuir mais n’y parvenant pas.
Pour répondre à cet esthétisme, Xavier Dolan étire des scènes en longueur bien au – delà du nécessaire, n’hésite pas à charger l’image de symbolique balourde (ah ces animaux morts traînés au sol ou portés à bout de bras …), use de silences rendant son propos flou, brouille un thème fort (le processus de deuil que l’on refuse à Tom) et accessoirement, entraîne son spectateur vers les rivages de l’ennui.
La bande – son, la plupart du temps discrète, s’anime soudain d’envolées lyriques au violon, surlignant grossièrement des scènes où la tension à l’écran se suffisait pourtant à elle seule.
Il y a cependant des choses retranscrites habilement (et intensément) dans ce Tom à la ferme, notamment au cours des scènes illustrant la relation tordue entre Tom et Francis, ou dans celles mettant en scène la douleur d’une mère qui cherche à s’expliquer la disparition de son fils.
Au final, l’ensemble est inégal. L’esthétisme par trop privilégié, le réalisation auto – centrée amputent le film de son pouvoir d’empathie, l’empêchent d’avoir un réel impact et d’amener à une réflexion sur ce qu’une relation obligée à être tenu secrète, peut entraîner comme dégâts. Dommage.
En vous remerciant.
* : Le clip pour Indochine, c’était sur le morceau Collège Boy qui avait été purement et simplement censuré par les chaînes de télévision lors de sa sortie, car jugé trop violent. Mettant en scène le harcèlement d’un collégien, son passage à tabac et son exécution, je vous en laisse juger sa teneur par ici.